En ce début de soirée du 26 janvier 2005, il était un peu plus de 19 h, lorsque le paisible village d'Aït Yakoub, dans la commune d'Irdjen (wilaya de Tizi Ouzou) a été frappé d'une terrible tragédie. D'un coup, le village perdra trois de ses meilleurs fils, victimes de leur élan de solidarité, du sens du sacrifice, mais aussi de l'erreur humaine peut-être. Au milieu d'un champ d'oliviers, les trois silhouettes s'affairaient à mettre la main sur un câble électrique tombé par terre en raison d'une terrible tempête de neige, lorsqu'un éclair rougeâtre et très vif illumina l'oliveraie. Un fracas terrible se fit entendre. Ahcène K. (22 ans), Menad L. (25 ans) et Mouloud N. (33 ans) tombèrent, électrocutés par une décharge de très haute tension. Les trois jeunes aidaient des agents de Sonelgaz au rétablissement du courant électrique. Depuis Aït Yakoub compte les jours après avoir compté les morts. Rabah K., frère d'une des victimes, nous dit : « Après ce drame, il y a eu dépôt de plainte de la part des familles des trois victimes. » Pour suivre l'affaire, un collectif d'avocats a été constitué. Mais, « depuis le 26 janvier, cela fait 80 jours que les familles attendent la vérité sur la mort de leurs enfants et l'attente s'éternise ». Selon N. L., frère d'une des victimes : « L'enquête ouverte aussitôt par le procureur est toujours au stade préliminaire. » Notre interlocuteur précise : « Les parents ont été convoqués et entendus par la police, une semaine après le drame. Après avoir constaté des lenteurs, les témoins ont revu leurs dépositions pour, cette fois, mettre en cause Sonelgaz. » Selon ce parent, « il y a eu appel au volontariat, car les agents de Sonelgaz dépêchés sur les lieux de l'incident avaient besoin de renfort en matériel et en main-d'œuvre. Les jeunes se sont mobilisés et ont été retrouvés, vers 18h, avec les agents près du bout du câble rompu entre deux pylônes électriques, en contrebas du village ». Une autre source proche du dossier nous dit : « Le procureur a ouvert une enquête pour faire la lumière sur cette affaire et celle-ci est donc en cours. Mais apparemment, le dossier achoppe sur des éléments techniques, et la police n'arrive pas à déterminer comment s'est produit le rétablissement du courant électrique. » « Nous souhaitons que l'enquête soit bouclée le plus vite possible et qu'elle ne soit pas classée pour autant parce que le coupable n'aurait pas été identifié. Tout ne s'est pas bien passé lors du drame, à mon avis. Et c'est pour cette raison que les gens souffrent et les parents aussi. » Le frère d'une des victimes ajoute : « Le courant a été rétabli, alors qu'il était 19h passés. Il faisait nuit, il neigeait et ventait très fort. » « Pourquoi avoir voulu dépanner à cette heure-là ? Ne pouvait-on pas attendre le lendemain ? N'y aurait-il pas des erreurs professionnelles qui expliquent ce drame ? A-t-on pris toutes les mesures de sécurité ? », s'interroge-t-il. « Nous revendiquons une enquête sans parti pris pour situer les responsabilités et apaiser les cœurs meurtris et endeuillés », conclut-il, en présence des parents des trois jeunes victimes. Près de trois mois après la tragédie, l'association Tirgwa vient de rendre un hommage aux trois victimes en organisant au sein du village un recueillement sur la stèle regroupant les trois tombes ainsi qu'une veillée funèbre. Un témoignage sur les circonstances du drame et la vie des trois jeunes, dont la mort a honoré le sacrifice et le volontariat, a été donné. Mais la lumière doit se faire avant toute chose. C'est le souhait des familles. De tout un village aussi.