Plongée dans un cycle navrant de concessions, de fuites en avant et d'abandon, la capitale a fini par perdre progressivement son cachet de ville méditerranéenne, chaleureuse, accueillante et sensuelle. Elle cède au diktat d'une austérité inopportune pénalisante, renonçant aux charmes et aux avantages d'une vie nocturne quasi absente. Sitôt que la nuit tombe, la cité se laisse envahir par une étrange torpeur. Point besoin d'être devin pour l'observer, tant la chose saute aux yeux. Dès les premières heures du crépuscule, les magasins ferment et plient bagage avec une désolante rapidité. Les passants se font rares. Ombres isolées arpentant les artères d'une ville rongée par un silence morne et détestable. C'est le régime du black-out, un état de siège librement consenti. Spectacle triste que l'on ne s'explique pas, du moins superficiellement. L'Algérois est-il à ce point casanier ? C'est à voir. Cette enfilade de commerces lourdement cadenacés et verrouillés fabrique une atmosphère pesante. Une semi-pénombre et un éclairage insuffisant ajoutent une touche de tristesse inconvenante. Alger ronge son frein, placide et résignée, se refusant à vivre et à s'inscrire dans une activité nocturne tellement fructueuse. Toutes les capitales du monde s'ingénient d'ailleurs à bâtir une réputation de villes débordantes de vitalité, trépidantes et animées, du fait justement d'un dynamisme nocturne avéré. La capitale, pour ce cas d'espèce, préfère émarger aux abonnés absents. Curieuse exception à la règle qui la confirme dans une surprenante singularité. Il suffit de déambuler dans une quelconque rue pour s'en convaincre. Alger by night se conjugue au mode de la platitude. Hormis les quelques « alcôves » épaves pour noctambules « impénitents », Alger persiste à se recroqueviller frileusement jusqu'à l'aube.