Dans cette affaire, nous sommes, la justice et moi, victimes de manipulations. » Ce sont les propos déclarés par Frik Bachir, ex-wali d'Oran, devant le tribunal criminel d'Alger au premier jour du procès. Cette déclaration ne prend toute sa signification que si elle est replacée dans son contexte politique, économique et social. En effet, à sa nomination à Oran, en 1994, le terrorisme était à son apogée et Oran, à l'instar de nombreuses autres grandes villes du pays, s'est caractérisée par l'émergence d'organisations, dites de la famille révolutionnaire, qui se sont érigées en groupes de pression pour lancer une véritable OPA sur toutes les structures des administrations locales. Oran, plus que toutes les autres villes du pays, est devenue la « mecque » des spéculateurs et un eldorado à conquérir pour les gens « friqués ». C'est ainsi qu'une course effrénée à « l'érection » de villas et autres coopératives immobilières à la périphérie de la ville a été initiée par les cercles d'influence gravitant autour des centres de décision. Dans ce bouillonnement qui a envahi Oran et la surenchère de l'immobilier qui en a découlé, il y a eu, évidemment, l'entrée en scène des agences locales de régulation foncière. Pour de nombreux observateurs de la scène politique locale, « aucun responsable à quelque niveau que ce soit, n'a hésité à acquérir un ou plusieurs lots de terrain à Oran ». A ce propos, le génie populaire a, ironiquement, rebaptisé la localité de Bir El Djir (Oran-Est) de Bir El Djib, tellement la spéculation foncière dans cette zone a atteint son paroxysme. D'ailleurs, le 19 novembre 1999, le journal El Watan titrait : « Oran ravagée par la mafia du foncier ». Il est écrit : « Bachir Frik se laisse donc embrigader dans cette formidable machine corruptrice, en comprenant très vite au passage que le lot de terrain, cette autre Bourse spéculative, est d'une efficacité redoutable. » C'est ainsi qu'en novembre 2000, un tract, intitulé « La mafia d'Oran », mettant en cause 17 personnalités locales et nationales, parmi lesquelles figuraient d'ex-ministres, des sénateurs, de hauts responsables de l'armée et l'ex-DAS d'Oran, a circulé dans les rédactions locales. Cela étant dit, à Oran, c'est la réaction du « syndrome de Stockholm » qui prévaut, car pour le commun des citoyens, Bachir Frik, au-delà de ses implications réelles dans le dossier, n'est finalement qu'un fusible tant les implications, à des niveaux stratosphériques de l'échelle du pouvoir, existent. Un ancien directeur d'une des plus importantes agences foncières de la wilaya d'Oran nous confirme, sous le sceau de l'anonymat, cette « évidence ». Il nous confiera : « J'ai eu à travailler avec cinq walis successifs à Oran, Bachir Frik est de loin le meilleur. Il n'a jamais impliqué un de ses collaborateurs. » En tout état de cause, toutes nos tentatives d'entrer en contact avec les anciens responsables mis en cause dans le dossier, notamment l'ex-wali d'Oran Mostafa Kouadri, ont été vaines. Pour les quotidiens cités par Bachir Frik, l'on saura auprès de leur rédaction qu'ils sont en déplacement à l'étranger.