Le tribunal criminel près de la cour d'appel d'Alger a rendu, hier, son verdict dans le procès en appel des quatre ex-responsables jugés dans l'affaire de l'ex-wali d'Oran, Frik Bachir. Ce dernier a bénéficié d'un allégement de sa peine. Le juge a ramené sa première condamnation de 8 ans de prison ferme à 7 ans de prison. Il lui reste, ainsi, à purger encore 1 an et 6 mois, puisqu'il a déjà purgé 5 ans et 6 mois de prison. “Vive la justice !” Telle a été la première réaction de Bachir Frik dès l'annonce de la sentence par le juge Zibouchi, hier en fin d'après-midi, lors de la fin du procès en appel de l'ex-wali d'Oran et de trois ex-directeurs de l'administration locale. Une réaction que d'aucuns ont compris comme une manière de narguer les représentants du ministère de la Justice, puisque l'ex-wali d'Oran a été condamné à 7 ans de réclusion criminelle avec une amende de 1 million de dinars. C'est moins que la sentence infligée en avril 2005 à son encontre puisque Frik avait alors écopé de 8 années de prison ferme (et une amende de 500 000 DA). Ayant passé 5 ans et demi en prison, l'ex-wali d'Oran devra encore purger une année et demie de prison pour pouvoir être libre. Un verdict écouté en famille Les membres de sa famille présents dans la salle paraissaient accuser le coup, mais tous sont restés dignes. Toutefois, le plus jeune des enfants de Frik, Djalal, n'arrivait pas à cacher sa tristesse et a dû sortir pour pleurer en cachette. Les trois autres accusés ont vu, eux aussi, leur peine diminuer ou rester la même. Ainsi, Laoufi Tayeb, l'ex-directeur de l'agence foncière communale a écopé de 6 ans, soit deux ans de moins que lors du premier procès, avec la même amende infligée à Frik. L'ex-directeur des domaines, Belas Hocine, a, de son côté, écopé de 4 ans (5 ans en 2005) de prison et une amende de 5 000 DA (200 000 DA en 2005). Par contre, Mekhloufi Chaâbane, l'ex-directeur de l'OPGI, a eu de la même sentence qu'en 2005 avec 3 ans de réclusion criminelle assortie d'une amende de 500 000 DA (en 2005 elle était de 100 000 DA). Avril 2001 : la lettre de l'ex-DAS Ainsi prend fin le procès en appel de l'ancien wali d'Oran. Trois jours après avoir débuté et deux ans et 3 mois après la tenue du premier procès. Il se termine avec un goût d'inachevé pour beaucoup d'observateurs qui s'attendaient à ce que les dossiers “chauds” refassent surface et que des révélations fracassantes soient faites. Ainsi, encore une fois, des cadres de la nation ont été jugés et condamnés sans que toute la lumière soit faite sur les tenants et aboutissants des affaires. Pourtant, les avocats de l'ex-wali ont insisté tout au long de leurs plaidoiries sur la thèse du complot en revenant à chaque fois sur la période durant laquelle les accusations ont été formulées. “C'est en 2001, l'ex-DAS, Kada Hezil, écrit au Président une lettre dans laquelle il dénonce un trafic de drogue impliquant beaucoup de personnalités. Par hasard, deux mois après cette correspondance, mon client est accusé. Comment ne pas faire de lien ?” lançait Me Bourayou. C'est dans le même sens que sont allés les deux autres avocats de Frik, Mes Aït Larbi et Brahimi, qui insistaient sur le rôle qu'aurait joué l'ex-chef de la sûreté de wilaya, et le wali qui est venu deux ans après le départ de Bachir Frik d'Oran. Comme l'avait affirmé l'accusé principal lui-même à la barre avant-hier, les raisons, qui ont fait que c'est la première fois dans l'histoire du pays qu'un wali accuse un autre, restent toujours inconnues. “La loi ne permet pas aux walis de déposer une plainte contre d'autres walis. Pourquoi ça a été permis me concernant ?” avait-il déclaré. Les walis, leurs quotas et la période noire Les accusations contre Frik sont essentiellement basées sur son utilisation des quotas que le premier magistrat de la wilaya s'octroie automatiquement, selon la loi, sur les logements et les locaux commerciaux. Le procès a surtout montré que plusieurs lectures pouvaient être faites et qu'un flou juridique existait sans que personne puisse trancher. Lors de son intervention d'hier, Me Bourayou, en paraphrasant Mahmoud Darwich sur “la gravité de l'accusation pour une si petite affaire”, axait surtout sur l'innocence de son client par rapport aux accusations de dilapidation : “On l'a attaqué sur l'octroi d'un terrain alors que le chambre d'accusation elle-même avait bien mentionné qu'il n'avait pas connaissance du dossier. Mieux encore, il a voulu faire son travail en voulant régler une faute administrative minime même s'il n'y est pour rien.” Et d'ajouter : “Il y a eu pire que ça, et rien n'a été fait contre les responsables.” À propos des deux locaux commerciaux de sa femme et de son gendre, Me Bourayou affirmait : “On oublie qu'il ne leur a rien donné, mais que c'était une location. L'Etat n'a rien perdu et la loi ne lui interdisait pas de faire cela.” L'affaire Khalifa comme “repère” À plusieurs reprises, les avocats de la défense ont cité dans leurs plaidoiries des exemples sur ce qui s'est passé lors du procès Khalifa. C'était surtout le cas de Sidi-Saïd, secrétaire général de l'UGTA et son fameux “J'assume” lors de son audition à Blida pour faire le parallèle avec les cas des accusés. D'ailleurs, les présents ne pouvaient ne pas faire le parallèle avec l'affaire Khalifa surtout concernant le volet lié aux relations entre les responsables et leurs subordonnés. Les affirmations de “Je n'ai fait qu'exécuter les ordres” ont été très souvent entendus pendant ces trois jours. L'expertise remise en cause Le procureur général dans son réquisitoire avait mentionné les résultats de l'expertise sur les pertes qu'auraient engendrées les “dilapidations” des accusés. Il avait donné le chiffre de 240 millions de dinars. Me Bourayou s'est attaqué à l'expertise en affirmant qu'“on ne pouvait pas l'estimer pour la simple raison que le droit au bail est personnel. Les locaux sont restés propriété de l'Etat”. Me Sidhoum, avocat de Laoufi, a basé, de son côté, sa plaidoirie sur la remise en cause du travail de l'expert-comptable. “La base de son travail s'est faite sur les prix du mètre carré en 2004 alors que l'affaire remonte à 1994”, a-t-il notamment mentionné. Toutefois, la réaction du juge a été sans équivoque sur ce sujet : “On n'est pas là pour juger le travail de l'expert. C'est entre lui et le bon Dieu.” “Je veux marcher la tête haute à Oran” Tout au long du procès, le juge Zibouchi répétait que “si les accusés étaient innocents alors ils seront libres. Sinon que chacun assume ses responsabilités”. Avant d'entendre la sentence, les quatre avaient tous réclamé leur innocence. Dans la salle, on entendait des phrases telles que “Je suis convaincu de mon innocence” de Frik, ou “Je n'ai pris aucune décision non conforme aux textes” de Mekhloufi, ou bien celle de Laoufi : “Innocentez-moi pour que je puisse marcher la tête haute à Oran.” Au bout, la justice aura décidé de maintenir les quatre en prison avec la confirmation des accusations. Ils ont 8 jours pour faire appel. Salim KOUDIL