La meilleure des choses qui puisse arriver à un père de famille, en ces temps de disette et de paupérisation de larges pans de la société, est de pouvoir « fringuer » sans trop de dégâts sa progéniture. Mieux encore, depuis la montée au créneau, il y a quelques années, du commerce de la friperie, fort encouragé par les pouvoirs publics, beaucoup de ménages planchent pour ces articles vestimentaires d'importation, sans trop se poser de questions en raison des prix affichés et que d'aucuns estiment à portée de tout le monde. Acheter au rabais des vêtements de qualité très enviable est une aubaine inespérée et une habitude qui s'est incrustée par la force des choses dans les habitudes vestimentaires de la population. Le phénomène de la fripe n'est plus reluqué comme avant ou considéré avec un trop-plein d'a priori. De l'aveu de dizaines de personnes, plusieurs familles bien connues et de rang social confortable ne s'embarrassent plus de préjugés pour faire leurs emplettes au niveau des rayons et des marchés hebdomadaires de la région. Un commerce on ne peut plus juteux et en pleine expansion qui a encouragé bien des commerçants et des importateurs à s'investir à travers l'ouverture de magasins spécialisés dans le « décrochez-moi ça ». A Aïn Smara, El Khroub, El Eulma, Chelghoum Laïd et Tadjenanet, les stands et les espaces réservés à cet effet ne désemplissent pas. Les balles et les piles de vêtements correspondant à tout âge et tout genre, sont passées au peigne fin par des chalands quêtant la bonne affaire, et Dieu sait qu'il n'en manque pas. Du chef de famille à la ménagère, en passant par l'étudiant et le fonctionnaire, tous s'activent à fouiner dans ces monticules hétéroclites d'articles d'habillement pour dégoter qui un blaser, qui un manteau ou encore un veston en cuir, pantalon, jeans, chemises et lingerie féminine. Tout y est, et l'on repart rarement les mains vides. Habiller correctement son gosse pour 2000, voire 1500 DA est une opportunité à ne pas rater, cherté de la vie et érosion du pouvoir d'achat obligent. Et pour cause, on peut aisément se procurer une splendide veste en cachemire à 500 ou 600 DA, un très bon manteau pour 800 à 900 DA, une belle chemise à raison de 150 à 200 DA, alors que le pantalon quasiment neuf est, au pire, proposé à 300 DA. En clair, de quoi faire pâlir d'envie les boutiquiers du prêt-à-porter. Ravis d'avoir conclu de très bonnes affaires et une fois les habits de leur choix triés, très peu de gens se formalisent des risques du manque d'hygiène inhérents à cette catégorie de marchandise. Les plus avisés prennent la peine de déposer directement les articles de friperie achetés au pressing du coin, et c'est là la moindre des précautions à prendre. Mais, beaucoup de citoyens avouent contourner cette dépense supplémentaire arguant qu'ils prennent eux-mêmes la peine de javelliser et nettoyer abondamment ces objets qui ne payaient vraiment pas de mine. La gamme des articles de friperie est si riche et variée et les tarifs appliqués si motivants et encourageants que beaucoup de gens pensent tacitement que cela vaut la peine de faire une petite entorse à l'orthodoxie sanitaire.