Ce jour-là, mardi 8 mai 1945, 45 000 Algériens sont massacrés à Sétif, Kherrata et Guelma par la soldatesque coloniale française. Au nom du peuple français. Au moment même où celui-ci célébrait la victoire sur la barbarie nazie. Aujourd'hui, à l'ombre de ces morts qui ont laissé cette terre libre en héritage, il nous faut remettre les pendules de l'histoire à l'heure de la vérité. Face à ces horribles charniers, l'on ne se contentera plus, désormais, de pleurer nos morts. Nous avons, aujourd'hui, décidé de lutter contre l'oubli, contre l'érosion du temps, d'exiger des auteurs de ces crimes monstrueux réparation, de faire en sorte que l'épaisseur de ce mutisme coupable soit dénoncée, de considérer nos suppliciés à la même hauteur de l'épouvantement d'Auschwitz ou de Dachau. Des hommes ont décidé de lutter contre l'oubli. La fondation du 8 Mai 1945, née de cette exigence, rouvre le dossier de ce crime. Un crime contre l'humanité. En effet, un groupe de militants de la cause nationale, encouragés par l'espoir né des évènements d'octobre 1988, réfléchissent à la possibilité de création d'une association, a retenu entre autres idées celle de porter un intérêt particulier à la culture de la mémoire, surtout en ce qui concerne les sacrifices et les martyres du peuple algérien pour le recouvrement de son indépendance et sa liberté. Parmi les événements les plus marquants de l'Algérie colonisée, c'est incontestablement le 8 mai 1945, prélude au déclenchement de la guerre de libération du 1er novembre 1954, qui occupe une place déterminante. D'abord par le nombre des martyrs (45 000), ensuite par la prise de conscience du peuple algérien de recourir finalement à la seule voie qui lui reste pour s'affranchir, celle des armes. L'importance de la portée des événements tragiques de mai 1945 se distingue par l'étendue géographique de ces derniers. Depuis la résistance armée de l'Emir Abdelkader, ils sont pratiquement les seuls à avoir touché l'ensemble de notre territoire national, avec un objectif clairement exprimé : l'indépendance. Sur le plan juridique, les actes criminels collectifs commis par les forces colonialistes et la majorité des colons, de par leur caractère raciste et une volonté « de blesser la conscience des musulmans » en les traitant de et en sous-hommes, relèvent du crime contre l'humanité. « Le crime contre l'humanité, c'est quand on tue quelqu'un pour la simple raison qu'il n'est pas comme soi », disait André Frossart. Cette accusation implique également en toute logique les colonisateurs pour exploitation et asservissement d'hommes. La revendication récurrente des Algériens d'exiger, d'une part, la reconnaissance des crimes commis contre les leurs par les colonialistes, et d'autre part, une déclaration publique par l'Etat français d'une demande de pardon, restera posée jusqu'à sa satisfaction. Pour eux, loin de tout esprit ou sentiment revanchard, c'est un devoir de mémoire et de justice. Mais aussi un préalable inévitable pour un établissement sincère, solide et durable des relations basées sur la solidarité et l'amitié au mieux des intérêts réciproques de l'Algérie et de la France. Par Aouli Makhlouf