Ils n'étaient pas nombreux à l'ouverture des 1re Journées nationales du monologue dimanche au palais de la culture et des arts Mohamed Boudiaf. Le programme de la première journée, sur les cinq appelées à durer jusqu'au 19 mai, était riche avec Zbida Ezzef de Djamel Hamouda et El Mgamet de Abdessetar Benhadid. Ceux qui y avaient assisté après avoir visité l'exposition photos ne l'ont pas regretté. Aussitôt sur la scène pour Zbida Ezzef, la comédienne Rym Takchout s'en est donné à cœur joie. Durant une heure, elle a offert au public tout l'art du monologue. Dans cette pièce mise en scène par Ahmed Khoudi, la voix veloutée, parfois caressante, la silhouette nonchalante de Rym furent synonymes de nouveauté. Bien que le texte soit d'une certaine faiblesse avec une absence d'enchaînement, on a tout de même relevé un néoclassicisme qui imposait un retour aux sources algériennes des traditions. Dans la pénombre du haut de cette grandiose salle de spectacle rénovée, loin du brouhaha créé par des bavards impénitents, Rym Takchout a bien joué son monologue. Elle l'a fait avec une certaine manière où se mêlaient le culte de la sensibilité individuelle, la révolte et la mélancolie. En sollicitant Takchout, la comédienne à la longue carte de visite dans un monde théâtral algérien en désuétude, le metteur en scène a, certainement, voulu mettre en relief un grand nombre de choses. On a senti dans ce monologue comme une volonté de souligner la nécessité d'une prise de conscience, non pas en donnant à Zbida Ezzef un style, mais une orientation. Dans ce monologue, on a décelé un état d'esprit que le metteur en scène d'abord et Takchout ensuite ont réussi à bien exprimer par le moyen artistique. N'était cette absence de fond dans le texte de Djamel Hamouda, Zbida Ezzef se serait révélée une incarnation de toutes les autres créations de cet auteur. L'identification, en quelque sorte, de la société algérienne. Elle y est perçue à travers un fondement dans la réflexion imposée par Rym. La comédienne donnait l'impression de vouloir créer un mythe universel où se mêlent l'énervement, l'impatience, le trépignement et des expériences paratonnerres d'une société algérienne en conflit perpétuel. C'est en quelque sorte le Khabat Kraou du même auteur, mais au féminin. Durant une heure, Rym Takchout ne nous a pas fait rêver. Elle nous a fait toucher du doigt le souffle de la vie en société et l'émotion que certains metteurs en scène comme Ahmed Khoudi apportent dans un monologue. Avec Zbida Ezzef, Djamel Hamouda a tiré dans le tas tout en ne choisissant pas ses cibles au hasard. Une critique subtile qui, lorsqu'on la découvre au détour d'un mot, d'un verbe, d'une phrase, s'avère être sans pitié et corrosive vis-à-vis de ceux qui gèrent le quotidien. Le public de cette première journée du monologue de Annaba a reçu le message et attend la suite en invoquant avec nostalgie l'ancien dialogue méditatif qui s'instaurait il y a quelque temps dans la salle à moitié vide du théâtre Azzedine Medjoubi de Annaba. Un dialogue entre un public averti de ce qu'il allait voir et entendre durant cinq après-midi en assistant à 15 monologues et de vieilles connaissances en la personne de chaque comédien. Pour ce public, ce comédien se transforme, l'espace d'une prestation, en chercheur du toujours mieux dans la création théâtrale.