Il y a deux ans, jour pour jour, les wilayas de Boumerdès et d'Alger étaient frappées par un séisme d'une rare violence. Au-delà de l'intensité de la secousse tellurique, les dégâts matériels et les pertes en vies humaines qu'elle avait occasionnés, ce sont les enseignements qu'on pouvait tirer de ce désastre qui importent aujourd'hui. D'aucuns estiment que les leçons n'auraient de sens que si un travail de vérité et de justice accompagnerait les corrections et les efforts d'ordre technique. Les experts ont parlé de défaillances à tous les échelons de responsabilité et de manquements graves aux règles les plus élémentaires de la construction. En ce sens, ont-ils souligné, « les effondrements étaient dus, non seulement à la construction sur des terrains instables, mais aussi et surtout à la qualité médiocre des matériaux de construction et au non-respect des normes techniques ». Sur instruction du chef de l'Etat, qui, on s'en souvient, avait promis de punir sévèrement tous les responsables de défaillances techniques dans la construction, un comité d'experts ayant pour but d'établir un diagnostic sur les malfaçons constatées sur les bâtisses qui se sont effondrées a été installé, le 28 mai 2003, soit une semaine après la catastrophe. « Les conclusions du comité ont effectivement confirmé que de nombreuses bâtisses ont été réalisées au mépris des normes requises dans le domaine de la construction », a souligné, récemment sur nos colonnes, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Mohamed-Nadir Hamimid. Sur la base de ce constat, ce dernier a déposé une plainte, au nom du gouvernement, auprès des procureurs des cours d'Alger et de Boumerdès. Ainsi, une enquête judiciaire a été ouverte pour situer la responsabilité dans les effondrements qui ont coûté la vie à plus de 2000 personnes et fait 11 500 blessés. Les enquêteurs de la Gendarmerie nationale ont relevé dans leur rapport préliminaire « des négligences graves ayant entraîné mort d'homme et destruction des biens de la collectivité ». Ce rapport a été déposé sur le bureau des procureurs généraux près les cours de Boumerdès et d'Alger qui rouvrent, quelques mois plus tard, le dossier et délivrent des commissions rogatoires à la Gendarmerie nationale pour approfondir le travail d'enquête et auditionner les promoteurs immobiliers publics et privés. « L'utilisation des matériaux de construction ne répondant pas aux normes, le manque de contrôle et de suivi des projets, la construction sur des sols instables, le non-respect des structures de base conformes aux règles parasismiques » sont entre autres failles relevées par les éléments de la Gendarmerie nationale. L'enquête étant finalisée et le rapport ficelé, les premières sanctions n'ont pas tardé à tomber. Selon le procureur général près la cour de Boumerdès, Sayah Boukerzaza, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse animée au mois d'avril dernier, 28 personnes ont été placées sous contrôle judiciaire, mais sans inculpation. Par ailleurs, 513 personnes, dont 104 exercent comme architectes ou ingénieurs au sein de bureaux d'études, ont été auditionnées par les juges d'instruction. D'autres personnes ont été auditionnées en qualité de témoins ou de victimes. La justice a-t-elle clos le dossier avant même de « punir sévèrement les coupables », pour reprendre la formule du président de la République ? Ne doit-elle pas aller jusqu'au bout de ses investigations pour rendre justice aux 2000 personnes mortes, en grande majorité, du fait de la bêtise humaine ? Autrement, la mort d'autant de personnes ne donnera pas aux survivants le goût de la vie.