Il y a trois ans, jour pour jour, les wilayas de Boumerdès et d'Alger étaient frappées par un séisme d'une rare violence (6,8 sur l'échelle de Richter). Le cataclysme, l'un des plus meurtriers de l'histoire du pays, a causé plus de 2000 morts, 11 000 blessés et détruit en l'espace d'une poignée de secondes des centaines d'habitations. Bien qu'explicable, en partie, par l'intensité de la secousse tellurique, ce lourd bilan a révélé, toutefois, des manquements graves aux règles les plus élémentaires de la construction des édifices tant publics que privés. Cet état de fait a obligé, à l'époque, les autorités à revoir en profondeur les normes de construction et à poser de nouvelles règles aux entrepreneurs en bâtiment. Devant l'étendue du drame humain, le gouvernement avait également porté plainte auprès des procureurs généraux des cours de Boumerdès et d'Alger pour identifier les responsables des défaillances observées sur le terrain. Un comité d'experts, installé sur instruction du chef de l'Etat près de dix jours après la catastrophe, chargé d'établir un diagnostic sur les malfaçons constatées sur les bâtisses qui se sont effondrées, confirmera, sans grande peine d'ailleurs, ce que tout le monde savait déjà, à savoir que de nombreuses constructions avaient été érigées au mépris des normes requises dans le domaine de la construction. Un rapport fouillé mené par la Gendarmerie nationale corroborera dans une large mesure les éléments recueillis par ce comité d'experts. Ce rapport adressé aux procureurs de Boumerdès et d'Alger a permis à la justice de disposer d'une base de travail documentée pour faire la lumière sur le dossier. Aussi l'opinion et les familles des victimes s'attendaient-elles à ce que les responsables des défaillances mortelles soient démasqués et jugés pour leurs crimes dès les premiers mois qui ont suivi le drame. Mais il n'en fut rien. Pis, trois années après on en est toujours à attendre que soit bouclée une affaire qui donne de plus en plus l'impression de tourner en rond. Car s'il ne s'agit pas ici d'interférer dans les affaires de la justice, encore moins de l'amener à presser le pas ; on peut trouver, en revanche, peu convaincant le fait qu'en trois ans de travail on n'ait débouché que sur 28 poursuites judiciaires. Si les choses en restent là, avouons qu'il sera bien difficile à l'Etat de dire qu'il a tenu sa promesse de punir « tous les responsables » des défaillances. Il ne lui sera pas aisé non plus de trouver quelqu'un prêt à admettre l'idée que 28 personnes aient pu, à elles seules, être à l'origine d'un drame aussi effroyable.