Deux ans après le séisme qui a endeuillé la région de Boumerdès, les plaies semblent loin de se cicatriser. Les citoyens gardent « un très mauvais souvenir » de ce séisme qui a fauché 1391 vies humaines et provoqué des milliers de blessés. « La terreur qu'a provoquée en moi cette catastrophe qui a soudainement ébranlé notre quiétude pour installer un chaos indescriptible autour de nous et où l'on devait agir dans l'urgence pour la désincarcération des blessés et des morts de sous les décombres des habitations est encore totalement présente dans mon esprit », nous a déclaré une dame résidant à la cité des 1200 logements.Un état des lieux que rappellent « malheureusement, aujourd'hui encore, des signes de cette catastrophe », diront beaucoup de citoyens de Boumerdès. Pour qui connaissait cette wilaya avant le séisme, ces amputations de blocs entiers dans les villes et ces sites de chalets éparpillés sur tout son territoire rappellent inévitablement qu'« une tragédie s'est produite ici ». Mis à part ces signes forts, le gros des traces a été effacé. L'Etat a quand même réussi le pari d'enrayer les stigmates de la destruction. Car l'opération de démolition et de déblaiement a presque été menée à bien. En effet, le bilan établi par la wilaya fait état de 7245 édifices démolis, évacuant un total de 2,6 millions de mètres cubes de gravats déposés par les 116 entreprises engagées dans 22 décharges créées à cet effet. « L'opération de démolition et de déblaiement interrompue un moment pour épuisement de crédits vient de redémarrer suite à l'inscription de l'opération par le ministère des Finances, et concerne le reste des logements (1943). L'opération prend également en charge le redéploiement et le traitement des décharges, et l'enlèvement des gravats le long des axes routiers et au niveau des agglomération », lit-on dans un document de la wilaya. Présenté par la wilaya comme étant « satisfaisant », ce bilan fait ressortir que dans le secteur de l'habitat, l'opération de réhabilitation et de confortement a touché un total de 82 932 logements en plus des 10 513 cas classés rouge et qui sont concernés par le relogement et l'aide à la reconstruction. Le programme de reconstruction des logements au profit des sinistrés consiste en 8482 unités qui devront être réceptionnées et livrées d'ici à la fin de l'été 2006. Malgré les insuffisances et les retards constatés ça et là dans l'avancement des travaux, le wali, M. Bedrici, se dit confiant quant au respect des délais arrêtés. « Le retard sera rattrapé et tous les sinistrés devront être relogés dans une année », a-t-il déclaré.D'ailleurs, l'on prévoit la distribution de plus de 870 logements pour début juillet prochain.Priorité sera accordée aux citoyens dont les habitations avaient été classées rouge et qui ont perdu des membres de leurs familles ou enregistré des blessés, selon le wali. Cependant, il y a des localités où vu le faible taux d'avancement des travaux les citoyens s'inquiètent. C'est le cas notamment à Bordj Menaiel, Dellys, Tidjellabine et Thénia. Dans le volet « aide à la reconstruction », les autorités portent de 1122 certificats administratifs (cas accordés) délivrés au 30 avril dernier et de 326 aides délivrées par la CNL. Là, les citoyens constatent « un flottement inexplicable » et se plaignent des contraintes et autres blocages induits par les lenteurs administratives. La reconstruction, qui a aussi touché les secteurs publics, a coûté à l'Etat près de 69 milliards de dinars incluant les programmes de développement, le logement et les amenées externes (VRD primaires). Malgré cela, beaucoup de voix s'élèvent pour crier à la désillusion. Les conditions de vie dans beaucoup de sites sont décriées, et beaucoup de citoyens se plaignent de n'avoir pas reçu les aides qui leur sont destinées. Au site Tamechmacht (Vachet) de Bordj Menaiel nous avons rencontré des citoyens qui, la décision en poche, n'ont à ce jour pas encore encaissé un sous des 100 millions de centimes accordés. Ce qui soulève des interrogations du genre : est-ce dû à l'insuffisance de l'enveloppe réservée à la prise en charge des sinistrés (près d'un milliard de dollars), ou à une mauvaise gestion du dossier, ou alors simplement aux dédales bureaucratiques ? Cela étant, les avis des citoyens au sujet de leur prise en charge sont partagés entre la satisfaction et le mécontentement. Certains iront jusqu'à relever « des disparités entre les zones périphériques du chef-lieu de la wilaya qu'ils considèrent privilégiées et celles, éloignées, qui sont presque oubliées ».