La plaque épigraphique gravée en caractères latins datant de l'époque romaine a été badigeonnée par des peintres en bâtiment. Ignorant à la fois sa valeur inestimable ainsi que son contenu, ces ouvriers ont dissimulé l'épigraphe à coups de badigeon. Fixée sur une des colonnes supportant un immeuble de la rue Bab Azzoun, la pierre est désormais voilée sous une couche d'enduit. Toutefois, les passants avertis arrivent difficilement à distinguer quelques lettres à peine visibles. D'après un document remis par M. Ben Medour, cadre à l'Agence nationale de l'archéologie (ANA), la pierre est relative à l'époque romaine icositaire. En cette période antique, l'artère (Bab Azzoun) constituait le premier boulevard d'Icosium (le Cardo-Domanus). Ce boulevard était situé alors entre la porte de Bab El Oued (Zenquet El Hamra ou Zoudj Ayoun) et celle de Bab Azzoun, à côté de l'ancienne caserne des janissaires (l'actuel mess des officiers, face au TNA). Le même document précise que cette stèle funéraire tribale est cependant l'unique pièce identitaire de l'ancienne ville côtière Icosium (Alger). Cette ville intégrait alors le quartier de la marine (l'Amirauté) et le plateau de Ketchaoua qui limitait la cité. Cette stèle, mentionne encore le document de l'ANA, a été trouvée au hasard par un cloutier en 1844 au milieu des décombres de maisons (douira) de la basse médina. Celles-ci, doit-on le rappeler, furent détruites par ordre émanant du génie militaire français. Par la suite, l'artisan précité, qui disposait alors d'un atelier, utilisait la même pièce en guise d'enclume. Après sa mort, la pierre fut remise au chantier de construction des immeubles de la rue Bab Azzoun. En se référant aux mêmes informations, la pierre gravée fut en 1850 récupérée par les responsables du chantier. Connaissant sa valeur archéologique, les conducteurs des travaux ont recommandé aux ouvriers de placer la pièce sur une colonne d'un immeuble situé dans une rue baptisée par la suite rue Caftan. Ils ont dû procéder ainsi pour préserver la pièce d'une éventuelle perte et également de toute dégradation. Mais pour mieux la conserver, le comité communal du vieil Alger a décidé en 1905 d'encadrer la célèbre pierre par une moulure en céramique. Depuis lors, la plaque épigraphique a constitué une référence irréfutable attribuant le nom d'Icosium à Alger. Toutefois, la mention inscrite sur cette plaque relevait du Conseil municipal romain d'alors. Il s'agit en effet de l'ordre des decurions (magistrats municipaux) institué par l'empereur Vespasien, vers l'an 75 ap. J.-C. Ainsi, le même ordre a érigé dans cette ancienne ville romaine un monument en l'honneur d'un personnage important, dont les dépenses furent couvertes par le père de celui-ci. La mention inscrite sur la plaque ainsi que sa traduction méritent d'être reproduites conformément au document de l'ANA : A Publius Sittius Plocamianus, fils de Marcus, de la tribu Quirina, L'ordre des Icositains. Marcus Sittius Cœcilianus, fils de Publius, pour son fils très pieux, cet honneur étant reçu, a remis la dépense. Mais en établissant une comparaison, il s'avère que le conseil communal de la période coloniale accordait plus d'intérêt à la préservation du patrimoine. Par contre, l'actuel conseil communal devant un fait, qui paraît banal pour certains, affiche une indifférence à la préservation du patrimoine. En agissant ainsi, ne favorise-t-on pas une amnésie générale ?