Le gouvernement marocain vient de porter un coup dur au processus de normalisation des relations algéro-marocaines, entamé laborieusement par les deux pays depuis près de deux années. Le ministère marocain des Affaires étrangères a rendu public, jeudi, un communiqué dans lequel il a fait comprendre clairement que le chef du gouvernement algérien, Ahmed Ouyahia, n'était pas le bienvenu au Maroc. « La visite envisagée au Maroc du Premier ministre algérien, M. Ahmed Ouyahia, accompagné d'une délégation comprenant plusieurs ministres, s'avère (...) inopportune (...) », annonce le département dirigé par Mohamed Benaïssa dans le communiqué. Le chef du gouvernement algérien devait se rendre à Rabat, au cours de cette semaine, pour y rencontrer son homologue marocain, Driss Jettou. Les deux responsables devaient s'entretenir des dossiers bilatéraux. L'ambassadeur du Maroc à Alger, Mohammed Saïd Benryane, a précisé lors d'une conférence de presse, animée le 6 juin au siège de la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité (CCFC), que ce déplacement « éminemment politique » devait notamment servir « au cadrage politique du processus vers plus de sérénité et de confiance ». Le communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères - qui vient couronner une virulente campagne antialgérienne alimentée par la presse du royaume ces quinze derniers jours - aura certainement pour effet de plonger les relations algéro-marocaines dans une crise qui risque de s'inscrire dans la durée. Cela d'autant que Rabat laisse entendre que l'annulation de la visite du chef du gouvernement est assortie d'un gel du dialogue politique entre les deux capitales. Le royaume alaouite conditionne la reprise des discussions par la clarification par l'Algérie de ses « intentions réelles, actuelles et futures, quant à ses rapports avec le Maroc et à l'édification maghrébine ». Le Maroc justifie l'annulation de la visite de M. Ouyahia à Rabat par « les prises de position affichées, ces dernières semaines, par les autorités algériennes qui sont en nette contradiction avec les objectifs de normalisation bilatérale, de rapprochement entre les deux peuples et de relance effective de l'Union du Maghreb arabe ». Le département de M. Benaïssa estime que celles-ci (les positions algériennes) « sont également en opposition avec les engagements bilatéraux, pris au plus haut niveau, d'œuvrer pour le développement des relations bilatérales maghrébines, tout en laissant le soin aux Nations unies de rechercher une solution politique et définitive à la question du Sahara marocain ». C'est clair, le Maroc fait allusion au message dans lequel le président Bouteflika a rappelé, en mai dernier, à son homologue sahraoui, le soutien de l'Algérie à la cause du Front Polisario. Un message, qui a déjà été utilisé comme argument par le roi Mohammed VI pour torpiller le sommet de l'UMA de Tripoli. Aujourd'hui, il est remis à nouveau sur la table pour justifier le blocage du processus de normalisation des relations algéro-marocaines. Les raisons avancées par le Maroc pour mettre au placard ses relations avec l'Algérie ne tiennent toutefois pas la route, puisque la position du gouvernement algérien concernant le conflit du Sahara-Occidental est demeurée, pour ainsi dire, constante depuis l'annexion par le royaume chérifien des territoires sahraouis. L'Algérie s'est toujours illustrée par une approche légaliste du conflit du Sahara-Occidental. L'annulation de la visite d'Ahmed Ouyahia et la suspension unilatérale par Rabat du dialogue politique algéro-marocain semblent prouver que le Maroc ne peut accepter l'idée d'une normalisation au Maghreb sur une base légale. C'est d'ailleurs le constat fait, hier, par des sources proches du ministère algérien des Affaires étrangères, citées par l'APS. Celles-ci rappellent que « la position de l'Algérie est marquée par la clarté et la constance sur les relations bilatérales avec le Maroc, la construction du Maghreb arabe et sur la question du Sahara-Occidental ». « Avec le royaume du Maroc, l'Algérie a sans cesse déclaré sa disponibilité à relancer et à développer les liens de coopération bilatérale au service des relations de fraternité et de bon voisinage auxquelles elle est attachée. Le projet de visite du chef du gouvernement algérien à Rabat, en dépit d'une campagne médiatique orchestrée contre l'Algérie, était bien une preuve de plus de cette volonté et de cette disponibilité algériennes », font remarquer ces mêmes sources. Mentionnant que « l'Algérie prend acte de cette nouvelle volte-face marocaine et que la communauté internationale ne manquera pas, elle aussi, de prendre acte de cette donnée », les sources de l'APS ajoutent que concernant la construction de l'UMA « l'Algérie a toujours été présente à tous les rendez-vous pour cette œuvre portée par les exigences de l'histoire et par les impératifs du destin commun et elle y sera toujours présente ». Mais en même temps, souligne-t-on, chacun sait exactement les raisons et les responsabilités du blocage de l'édification maghrébine depuis dix longues années déjà. Pour la question du Sahara-Occidental, les sources proches du ministère des Affaires étrangères relèvent que « c'est toute la communauté internationale qui, à travers l'Organisation des Nations unies, attend toujours la mise en œuvre de son plan de règlement et de ses résolutions pour que soit parachevée la décolonisation du Sahara-Occidental et pour que le peuple sahraoui exerce enfin, librement, son droit inaliénable à l'autodétermination et à l'indépendance ». Et de conclure : « L'Algérie soutient et continuera de soutenir cette exigence du respect de la légalité internationale pour le parachèvement juste et définitif de la décolonisation du Sahara-Occidental. »