L'avant-projet de loi portant réorganisation de la profession de notaire a été présenté puis débattu, hier, par les députés de l'Assemblée populaire nationale (APN). Le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, a expliqué les raisons pour lesquelles son département a conçu ce nouveau texte de loi. Entre autres, les vides juridiques avérés dans la loi en vigueur, notamment en matière de mesures disciplinaires. Celles-ci sont moins efficaces, ce qui est dû, selon le ministre, à l'absence de textes de loi qui confèrent à la tutelle le pouvoir judiciaire, en l'occurrence le droit de participer à la prise de décisions qui émanent des conseils disciplinaires des notaires. « La tutelle n'est d'ailleurs pas représentée au sein de ces instances », a déclaré Tayeb Belaïz. Ces instances dépendent de la chambre nationale des notaires et des chambres régionales. Celles-ci contrôlent le travail des cabinets d'étude notariaux et traduisent les notaires ayant commis des fautes professionnelles graves devant les conseils de discipline, abrités au sein de ces chambres et composés des gens de la profession. D'après le ministre, cette profession échappe quelque part au contrôle de l'Etat. « Cela a favorisé l'avènement de certaines pratiques et dérives. Car on tolérait systématiquement aux notaires fautifs à l'encontre de citoyens de continuer à exercer la profession sans qu'ils soient interpellés, sinon cela prenait des années. Et souvent les mesures disciplinaires ne correspondaient pas à la gravité des erreurs ou fautes commises », a fait savoir M. Belaïz. Autre vide juridique soulevé par le ministre, c'est l'accès à la profession. D'après le ministre, les dispositions en vigueur privilégient certaines catégories au détriment du nombre important des diplômés en la matière, et ce, « pour des raisons et des considérations qui ne servent ni la profession ni même l'intérêt public ». Pour lui, les normes d'accès en vigueur ne reposent pas sur des critères objectifs liés à la compétence. Risque de clochardisation Le ministre a, à cet effet, supprimé dans cet avant-projet de loi la carte du notaire qui limite le nombre de cabinets notariaux à travers les villes et régions du pays. Par exemple, à Alger, la carte fixe à 23 cabinets de notaires par daïra. L'avant-projet de loi ouvre le champ à tous ceux qui ont les compétences nécessaires d'accéder à cette profession. « Je suis contre la carte du notaire, car elle ne consacre pas l'égalité des chances. En sus, si l'on doit limiter le nombre de cabinets, on devrait aussi limiter le nombre de places dans les instituts et les écoles de formation. Et c'est injuste à mon avis », a souligné le ministre en réponse aux députés l'ayant interpellé à ce propos. Le président de la chambre nationale des notaires, Tahar Melakhessou, membre de la commission ayant pondu le texte de loi, s'est opposé, hier encore à l'APN, à la suppression de la carte du notaire. Son argument est que cela poussera à la « clochardisation de la profession, car il y aura tellement de cabinets qu'il sera difficile de les contrôler, tous, régulièrement ». M. Melakhessou a indiqué également qu'une telle décision minimisera les rentes des notaires au risque même de les fragiliser socialement. « Le notaire est un officier public représentant de l'appareil judiciaire. Il gère son sceau. Il doit donc évoluer dans un cadre décent qui correspond à son statut », a-t-il clamé. Selon lui, l'application de la carte du notaire ne constitue pas une entrave à l'augmentation du nombre de notaires là où se manifestera une plus forte demande. « Le ministère a le pouvoir de revoir à la hausse le nombre lorsqu'il juge qu'une région a besoin de plus », a-t-il ajouté, tout en rassurant qu'à présent il y a suffisamment de notaires au Nord. Selon lui, il y a 891 cabinets notariaux en exercice sur les 1018 enregistrés sur l'ensemble du territoire national. Déficit au Sud Le sud du pays, par contre, a enregistré un déficit en la matière, car ceux qui devaient exercer dans cette partie de l'Algérie n'ont pas voulu le faire. Ainsi, le président de la chambre nationale des notaires a utilisé cette tendance à se concentrer dans les grandes villes comme argument pour justifier son opposition à la suppression la carte du notaire. Il est d'ailleurs convaincu qu'avec la suppression de cette carte, beaucoup de ceux qui exercent au Sud viendront s'installer au Nord, ce qui provoquera, selon lui, des déficits irrémédiables en cabinets notariaux dans les régions du Sahara. Pour pallier les lacunes constatées dans le chapitre relatif au système disciplinaire, l'avant-projet de loi prévoit le traitements des cas à deux niveaux. D'abord, le traitement des affaires au sein des conseils de discipline présents au niveau des chambres régionales, composées uniquement des notaires. Ensuite, il y a la commission nationale des recours, une instance mixte (composée des notaires, des magistrats...), dont la mission est d'étudier les recours du ministre de la Justice et des notaires portés sur les décisions émanant des conseils de discipline reliés aux chambres régionales. Le nouveau texte de loi renforce ainsi le contrôle de de l'Etat sur la profession, et ce, du fait que le notaire est un officier public mandaté par l'institution judiciaire et détenteur de son sceau. M. Melakhessou estime que le notaire ne devrait pas être emprisonné en cas de faute professionnelle grave pénalisant des citoyens. Pour cela, il suggère la création d'un fonds de garantie dont la mission sera d'indemniser les citoyens victimes de telles erreurs.