Alertée par la baisse substantielle de la fiscalité de l'entreprise, notamment la taxe commerciale (TIC), la mission, composée d'inspecteurs des impôts ainsi que de cadres des Douanes et du commerce, s'est penchée sur les exercices 2002 et 2003 et a constaté des écarts flagrants dans la consommation de la matière première de base - c'est-à-dire le tabac - et d'autres intrants auprès des unités de production. En effet, le rapport d'investigation, qui accompagne une sommation pour régularisation datant d'avril 2005, estime ces écarts à 593 tonnes de tabac brut, soit plus de 36,5 millions de paquets de cigarettes en 2002 et plus de 270 tonnes équivalant à plus de 16,5 millions de paquets en 2003. Ces quantités qui concernent les cigarettes Afras, Nassim et Rym sont traduites en termes de chiffre d'affaires production de près de 545 millions de dinars pour 2002 et de près de 289 millions de dinars pour 2003, et ce, sur la base des prix de cession interunités. Pour la commercialisation, ces prix sont gonflés par le taux de 70%, qui englobe les taxes imposées par l'Etat au tabac. Cela nous donne le chiffre effrayant de 1416 millions de dinars qui seraient partis en fumée rien que pour ces deux années. Le travail réalisé par la brigade s'interdit d'interpréter, bien entendu, les résultats de l'enquête et laisse aux institutions compétentes le soin d'agir sur la base du document. Seulement, voilà deux mois que le rapport est transmis, mais rien ne s'est passé. Nous avons tenté d'en savoir plus, mais il semble qu'un black-out soit imposé autour de ce sujet de grande délicatesse, à commencer par les services des impôts qui, visiblement gênés, sont allés jusqu'à nier maladroitement l'existence de ce rapport. La réponse de la SNTA a tenté d'expliquer ces écarts par les quantités de déchet non comptabilisées, comme nous l'a confirmé un membre de la brigade représentant les Douanes. Une explication qui reste peu convaincante pour lui sachant que le rapport a pris en considération le poids du paquet de cigarettes - 16,30 g en moyenne - et le taux de déchet qui s'élève à 10% constaté sur site, mais sans pour autant trouver le bon compte. Jusqu'à ce jour, ce dossier demeure à l'étude au niveau de la direction générale des impôts et rien ne filtre sur le traitement qu'on lui réserve. Du coté du syndicat d'entreprise, on estime que ce long silence cache mal des négociations à haut niveau pour éviter un scandale, et pas des moindres. La SNTA, deuxième pourvoyeur fiscal après Sonatrach, a vécu des antécédents révélant des pratiques qui touchent aux biens de l'entreprise. Une note émanant de la direction et datée du 20 octobre 1999 avait déjà, et à titre d'exemple, interdit aux chefs de service d'offrir des cigarettes en vrac ou en paquets. « Ce qui était à l'origine une simple tolérance limitée à la dégustation aux fins de service a été détourné de son objet initial pour déboucher sur des abus intolérables de nature à créer pour l'entreprise des préjudices importants, notamment au regard de la législation fiscale », ajoute le document. Cette réaction sèche est motivée par des écarts inférieurs de quelques zéros à ceux constatés en avril dernier.