Après presque un mois et demi de prise de fonctions, Mohamed Bedjaoui, ministre des Affaires étrangères, a profité hier de la cérémonie de clôture du séminaire de préaffectation des agents consulaires et diplomatiques de l'Institut diplomatique des relations internationales (IDRI) à Djenane El Mithak, sur les hauteurs d'Alger, pour annoncer la couleur de l'action diplomatique algérienne et réagir aux dernières évolutions des relations bilatérales avec Rabat et Paris. Notons l'absence de Abdelaziz Belkhadem, ministre d'Etat, ex-ministre des Affaires étrangères, et la présence de plusieurs ministres et conseillers du président Bouteflika. L'Algérie, peuple et gouvernement, ne nourrit que des sentiments de fraternel respect pour le Maroc, peuple et gouvernement », a-t-il déclaré dans son discours, ajoutant que l'Algérie « espère bâtir avec ce pays frère des relations fécondes et à l'abri d'une gestion étroitement conjoncturelle ». Le ministre a également souligné que les deux peuples « méritent mieux que la situation actuelle ». En aparté avec la presse, Mohamed Bedjaoui a précisé que « dans leur sagesse », Bouteflika et Mohammed VI ont décidé de laisser la question du Sahara-Occidental aux compétences de l'ONU. « L'Algérie est disposée à aller vers des relations d'excellence avec le Maroc », a-t-il ajouté. Quid de l'annulation de la visite du chef du gouvernement Ahmed Ouyahia à Rabat ? « Il s'est passé quelque chose qui n'a pas été du goût des frères marocains », a-t-il répondu sans plus de détails. L'occasion aussi pour revenir sur les relations avec la France à l'ombre de la loi du 23 février 2005 votée par l'Assemblée nationale française, qualifiée de « glorification du colonialisme » par la classe politique à Alger et la société civile. « Un traité d'amitié viendra prochainement, conformément au vœu des deux chefs d'Etat, sceller la réconciliation entre les deux peuples », a déclaré Mohamed Bedjaoui. « L'Algérie et la France ont connu des affrontements et des épreuves douloureuses dans leur histoire mêlée, dont certaines fractures et séquelles subsistent encore », a-t-il dit, appuyant : « Mais nous voulons, dans le respect des valeurs de chacun et du devoir de mémoire, inscrire notre relation dans une perspective de refondation tournée vers l'avenir. » Interrogé sur l'absence de réaction officielle concernant la loi du 23 février, le ministre a estimé qu'il était « de la sagesse » de ne pas réagir. « Il ne faut pas jeter de l'huile sur le feu. Le procès du colonialisme n'a pas attendu 2005. Le colonialisme est déjà condamné et condamnable », a considéré le chef de la diplomatie algérienne, en soulignant qu'il s'agit d'abord d'une « affaire franco-française ». « Je ne crois pas que l'opinion française, dans sa majorité, soutienne cette loi », a-t-il poursuivi à quelques mètres de l'ambassadeur de France à Alger, Hubert Colin de Verdière, présent à la cérémonie, loin des rangs officiels, et au buffet qui s'ensuivit, et qui échangea quelques amabilités avec le ministre. Tout en s'adressant aux jeunes diplômés de l'IDRI, se félicitant de l'apport d'une nouvelle génération de diplomates et d'agents consulaires, le ministre a exposé les axes de l'action diplomatique algérienne. Sur le plan maghrébin, il a souligné l'attachement de l'Algérie à la construction de l'UMA. Sur le plan arabe, M. Bedjaoui a souligné la nécessité défendue par Alger des « réformes structurelles profondes (...) qui ne seraient pas imposées de l'extérieur ». Les questions de l'Irak et de la Palestine ne sont pas évoquées. M. Bedjaoui a indiqué que dans le cadre 5+5 en Méditerranée occidentale, on devrait « dépasser le stade informel » et se doter de structures pour optimaliser les possibilités de coopération. Il a évoqué les dix ans de partenariat euro-méditerranéen, qui seront célébrés en novembre 2005. « Occasion de revisiter ce cadre à la lumière des mutations qu'a connues notre région et des déficiences objectives constatées », a-t-il dit. Mohamed Bedjaoui a également rappelé le « rôle actif » de l'Algérie au sein de l'Union africaine (UA) et du Nepad, et la nécessité de sensibiliser les pays du G8 et de l'Union européenne (UE) autour d'un « pacte de développement ». « Face au recul du multilatéralisme, l'Algérie est convaincue de la nécessité d'une réforme globale (...) des Nations unies autour du triptyque sécurité, développement et démocratie », a-t-il soutenu.