Cherche jeune fille indienne, âgée de 25 à 30 ans, blanche de peau, grande de taille, stérile, docile et parlant l'arabe », ainsi a osé décrire un septuagénaire saoudien la femme de ses rêves dans une annonce publiée par un journal arabophone très influent dans la région du Golfe. L'information aurait pu virer à la rigolade si l'on considère l'âge avancé du prétendant et ses exigences. Mais, en l'analysant de près, elle révèle au grand jour un désarroi social et familial, dont souffre en silence la majorité des femmes des pays du Golfe qui peinent à trouver l'âme sœur. Raisons : cherté de la dot, mariages arrangés, préférence des hommes pour les filles étrangères arabes ou occidentales au détriment des locales, interdiction aux filles du Golfe de se marier avec des étrangers sous peine de perdre leur nationalité et leurs droits, polygamie et supériorité supposée de l'homme arabe qui se donne le droit de se marier et de répudier à sa guise. Houda, une Egypto-Emirienne de 33 ans, souffre de cette situation. Laborantine à l'université d'El Aïn (ville située à 150 km de la capitale Abu Dhabi), sa plus grosse crainte est de se retrouver vieille fille. « J'ai une peur bleue de finir mes jours seule, sans famille et sans enfants », avoue-t-elle l'âme amère. « J'aurais aimé avoir le même parcours que ma petite sœur mariée à l'âge de 22 ans. Elle a deux enfants et une vie de famille. » Houda est loin d'être une exception. Le « phénomène du célibat forcé » touche plusieurs femmes. Elles sont coincées entre le devoir de respecter la voie traditionnelle dictée par les parents et le désir de donner libre cours à leurs sentiments. Mouna Al Qubaisi est prise dans ce feu de contradictions. Agée de 27 ans, elle travaille comme technicienne dans une entreprise locale de télécommunication. Elle a eu durant deux ans une idylle avec un Palestinien. Son rêve était de l'épouser, à condition de demeurer aux Emirats. « Mais qu'elle ne fut ma peur lorsque je me rendis compte que mes parents ont pris connaissance de cette relation. Ils m'ont tout de suite sommée de le quitter au risque de m'excommunier et de me priver de tout. J'ai fini par obtempérer », explique-t-elle. Aux Emirats arabes unis, selon des statistiques non officielles, plus d'un tiers des femmes sont célibataires ou divorcées. Un fléau pour le gouvernement qui voit en cela une menace de la disparition du noyau familial. Ainsi, sur instruction du défunt roi Cheikh Zayed, un fonds pour le mariage a été créé. Objectif : « Relancer la machine du mariage » par l'octroi de sommes faramineuses aux hommes émiratis intéressés par une union. Il faut juste déposer un dossier administratif et attendre une réponse. L'heureux sélectionné bénéficiera d'une aide financière conséquente. Elle est censée couvrir les frais de la dot et les dépenses liées aux cadeaux et à la fête. Mais le montant varie en fonction de l'âge et de la situation de la femme. Les prêts sont en principe remboursables, mais nombreux sont ceux qui ne parviennent jamais à le faire, guettant une salvatrice amnistie financière du roi. L'autre parade trouvée est l'organisation des mariages groupés et financés par les familles royales ou par des milliardaires émiratis. Les revues sont peuplées d'annonces matrimoniales et les parents font de leur mieux pour « caser » leurs filles avec des cousins ou des oncles. En attendant, les femmes traditionelles rêvent de l'adoption d'une loi imposant « l'émiratisation du mariage » comme c'est déjà le cas pour l'emploi, tandis que d'autres, plus ouvertes, souhaitent que la voie vers le mariage mixte soit balisée.