Durant l'été, la corniche oranaise étouffe sous le nombre sans cesse croissant des vacanciers. Du coup, le littoral témouchentois voisin est devenu une destination prisée par les estivants fuyant l'entassement sur les plages oranaises. Pour cette saison, il risque de l'être davantage avec les 15 km d'une nouvelle voie littorale entre Madagh et Bouzedjar, l'équivalent de la corniche jijelienne. une voie qui rend désormais possible l'excursion à partir d'Oran par la côte en passant par le littoral témouchentois pour aboutir à Honaïne dans la wilaya de Tlemcen, cela sans quitter des yeux la grande bleue. Une visite s'imposait pour en faire le tour à la veille du grand rush. Le circuit que nous avons emprunté va de Madagh 0 et Madagh I, situées à la limite du territoire oranais et de Madagh II qui marque le début du Témouchentois. Ce triple site est dominé par un haut et verdoyant versant montagneux, avec un ruisselet pour frontière naturelle et administrative entre les deux wilayas. Madagh 0 est un mince et long filet de plage, Madagh I est plus large alors que Madagh II est entre deux bras rocheux qui la sertissent en forme de crique. Au loin, se découpant sur l'horizon, et comme flottant sur l'eau, les îles Habibas dessinent leurs contours déchiquetées. Madagh II est la seule des trois plages qui a bénéficié d'un aménagement, un réussi agencement de l'espace tirant profit du relief chahuté de la station. La nouvelle route a ainsi rendu possible l'ouverture à la baignade de Madagh II, un site jusqu'alors squatté par des pêcheurs et des campeurs. C'est la deuxième plage autorisée à la baignade cette année à Témouchent. L'autre, située à l'extrême ouest du littoral, l'a été également grâce à son désenclavement par la réalisation d'une route carrossable. Il s'agit de Ouardania, un site tout aussi vierge, surplombé par les falaises qui bordent la haute région de Oulhaça Gherraba. De la sorte, sur les 80 km de côte, Témouchent accueille cette année les estivants sur 17 plages. Que découvre-t-on en partant de Madagh vers Bouzedjar ? D'abord, le plaisir de la nouvelle route s'étalant telle une écharpe noire et suivant les méandres d'un tracé à travers un grandiose paysage encore à l'état naturel. Ses bords n'étant pas encore protégés au niveau des cols, les automobilistes, que le vide apeure, doivent rouler avec beaucoup de précaution. Cependant, les voyageurs peuvent s'en mettre plein les yeux avec ce majestueux décor. L'arrivée à Bouzedjar, quant à elle, offre une vue inédite sur cette station pour ceux qui ont l'habitude d'y arriver par El Amria. Bouzedjar, pour qui ne le sait pas, est le seul village de pêcheurs d'Algérie. Son saint patron, Sidi Moulebhar, trône à l'arrière de l'île de la Tortue, un îlot qui fait frontière entre deux superbes plages. De Bouzedjar, la route côtière traverse à quelques encablures de la mer M'saïd et coupe ensuite à travers des vignobles avant de longer des falaises au bas desquelles se cache Sbiat, une perle qui profitera cet été encore aux audacieux adeptes du camping sauvage, avant sa concession prochaine à un holding Saoudien. En poursuivant, à travers une remarquable pinède, une descente s'amorce vers une étroite vallée qui, vers la droite, mène à quelques kilomètres vers Sassel, une jolie petite station balnéaire bordée de cabanons comme sur les autres stations. En remontant la vallée, en direction de l'Ouest, le visiteur emprunte un plateau sur lequel des vergers se succèdent. De cette hauteur, vers la gauche, un magnifique panorama sur les plaines du Témouchentois s'offre aux yeux. Vers la droite, s'allongeant à perte de vue, c'est la sinueuse côte toute en falaises, en isthmes et en secrètes criques. Dix minutes de route à peine, l'on débouche sur la plage de Terga avec ses deux petites voisines Mordjane et Nedjma. A Terga, le visiteur rencontre le premier des trois complexes touristiques de la wilaya. Il fait partie du renouveau de cette station balnéaire qui, au cours de la nuit du 13 au 14 octobre 2000, avait été ravagée par une exceptionnelle crue. Depuis, une opération de réhabilitation a donné au site un aspect autrement plus avenant qu'auparavant avec, notamment, le long du rivage, une superbe esplanade enjolivée par une enfilade de lampadaires style empire. Après Terga, sur la route qui mène à Beni Saf en passant par Ouled Kihel, il y a la plage de Oued El Hallouf qui, par beaucoup d'aspects, rappelle Sassel. A quelques collines plus loin, il y a la petite plage de Sidi Djelloul condamnée à la fermeture avec l'ouverture d'une usine de dessalement et la concrétisation du projet Medgaz. A l'arrivée de Beni Saf, il y a Sidi Boucif, une petite plage encaissée entre deux hautes falaises et la plage du Puits avec, d'un côté, le premier port de pêche d'Algérie et, de l'autre, la magnifique architecture d'un aquarium, le second d'Algérie. Au-dessus de ce dernier trône l'hôtel Siga. De Beni Saf, on remonte un plateau boisé, pour arriver en dix minutes à Rachgoun. Sur la colline de la rive droite de l'embouchure de la Tafna, il y a le complexe touristique El Nabile. Puis en face, sur la colline par delà l'immense plage et la rive gauche, il y a le complexe Syphax, une dénomination qui rappelle la capitale Siga du roi numide, située à l'époque à quelques encablures. Tout le site est chargé d'histoire. C'est de là que Sophonisbe (235 av. J.-C. et 203 av. J.-C.) a été arrachée à Syphax pour être livrée à Massinissa, le victorieux allié des Romains. Elle se suicidera, ce qui inspira une tragédie à Trissino (vers 1515), à Mairet (1634) et à Corneille (1663). Plus loin dans le temps, mais pas loin de Siga, il y a l'île voisine de Rachgoun ou Layella. Dressant majestueusement ses falaises à trois kilomètres de la côte, Layella s'élève sur une cinquantaine de mètres au-dessus des flots, couronnée à un bout par un phare. Ses 24 ha racontent une histoire qui remonte à leur première fréquentation par l'homme, soit 12 000 ans avant J. C. Leur seconde fréquentation remonte, semble-t-il, du milieu du VIIe siècle et jusqu'au Ve siècle avant J.-C., avec des maisons primitives qui couvraient sa partie méridionale. Les Phéniciens s'y étaient établis, profitant des nombreux avantages qu'offrait le site pour les besoins du commerce du fait de la proximité de l'embouchure de l'oued Tafna, à l'époque un fleuve navigable. Et moins loin dans le temps encore, à quelques kilomètres en remontant la Tafna à hauteur de la RN 35, le site où le traité de la Tafna avait été signé par l'Emir Abdelkader triomphant se trouve. En quittant, Rachgoun, vers Oulhaça Gherraba, c'est le pays de Bouhmidi, l'intrépide bras droit de l'Emir, qu'on visite. C'est également le pays du maraîchage en sec en ces hautes collines. Le printemps y est toujours féerique. En été, la multitude de criques attirent les téméraires nageurs qui font fi des vertigineux raidillons qui y donnent accès. Il y a aussi Ouardania, au-delà les monts des Traras vers Honaïne.