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Pipe-gaz-Ghardaia
Entre performances et chômage technique ?
Publié dans El Watan le 27 - 07 - 2005

660 employés qui se voient déjà mis au chômage technique, commencent à s'interroger sur le devenir de leur entreprise.
Sa survie dépendra, désormais, de la nature des relations futures qu'elle entretiendra avec les « décideurs de Sonatrach ».
L'incertitude et l'ambivalence qu'elle a traversées de 1993 à 1998, et qui a failli la diriger droit vers sa disparition, l'entreprise Pipe-Gaz de Ghardaïa s'est rachetée d'abord aux contrefaits de sa propre gestion, ensuite, elle n'a ménagé aucun effort pour s'ajuster aux contraintes de l'économie de marché en jouant les premiers rôles dans la fabrication de tubes en acier à haute résistance. Mais l'incertitude est de retour puisqu'elle vient de perdre injustement un important marché.Cette entreprise publique économique (SPA/Pipe-Gaz, filiale du groupe Anabib) de fabrication de tubes spiraux en acier, créée en avril 1977, un de nos premiers lauréats de l'ISO-9001, aurait commencé à réaliser, depuis ces dernières années, de confortables bénéfices. Son assemblée générale de Holding public, réalisation et grands projets de pipelines, vient d'appuyer les comptes de l'exercice 2004 avec un résultat bénéficiaire très appréciable en réalisant 104% du chiffre d'affaires 2004. C'est le onzième exercice bénéficiaire de cette entreprise de 860 travailleurs (dont 55% de temporaires), qui était, il est bon de le signaler, dans un état de léthargie avancée durant les années 1993/1998, mais qui a réussi par la seule force de son adhésion en 2000 au Groupement euro-algérien des tuberies (Great) à se placer dans le peloton de tête des entreprises les plus performantes à l'échelle nationale. En effet, l'entreprise ne doit pas son regain de vitalité à un assainissement financier ou à une quelconque subvention de l'Etat - elle est l'une des rares entreprises à ne rien avoir bénéficié -, mais à son agressivité commerciale et à la performance productive de son personnel, agissant sous l'impulsion de cadres de mieux en mieux organisés, et dans un management professionnel stimulant. L'application de mesures de mise à niveau internes, appliquées avec rigueur des procédures de l'ISO 9001, a par ailleurs beaucoup contribué au surcroît de productivité et à une plus grande maîtrise des projets que d'importants clients nationaux et internationaux tels que Sonatrach, Sonelgaz, Cosider, Hydro-aménagement, Agence nationale des barrages, Bechtel, Lavalin et autres, lui ont confiés. La production de cette entreprise a, en effet, connu une nette amélioration sur les plans quantité et qualité avec les 1800 t de métal (matière première), transformé en tubes, pour un total de 6000 km de pipelines résultant de 55 projets réalisés à ce jour, parmi lesquels compte le plus important pipeline contracté, le projet Alrar/ Hassi R'mel (GR1) long de 749 km. Cela, bien sûr, est le fruit d'efforts déployés par tous : staff dirigeant, ingénieurs, techniciens et ouvriers qui ont travaillé dur, particulièrement durant ces deux dernières décennies. Les profits réalisés ont donc permis d'accroître le capital social de l'entreprise de 1,3 million de dinars. Il est passé à 1,6 million de dinars renforçant sa fiabilité financière. L'ancrage de cette entreprise dans les secteurs hydrocarbures et dans les grands projets hydrauliques de transfert d'eau à travers le territoire national - ayant contribué favorablement à la résolution du problème d'eau en Algérie, tels que les projets Tafna en 1986, Spick-Algérie en 1991, Gargar 1 en 2000, Saa-Algérie en 2002, AEP Skikda/Béjaïa en 2003, Gargar 2 en 2005 - aurait mis Pipe-Gaz/Ghardaïa à l'abri des ruptures de plans de charge. Cela en dépit d'une multitude de contraintes majeures, notamment celles ci-dessous énumérées qu'elle ne cesse de subir :
1)- Pour ses appels d'offres internationaux et contrairement aux fournisseurs étrangers bénéficiant du marché algérien, quoique Sonatrach constitue un client potentiel pour Pipe-Gaz, (80% de son chiffre d'affaires), cette dernière procède à la concurrence absolue en matière de pipelines, tout en mettant sur un pied d'égalité les entreprises nationales et internationales, au moment où certains secteurs avantagent les entreprises nationales d'un taux de préférence national de 15% du montant du marché acquis. 2)- Outre la protection indirecte assurée par la valeur des monnaies locales dollars/euros, les prix appliqués aux entreprises algériennes par les entreprises étrangères, en matière de fournitures, incluent par mesures dites « de protection » des taxes variant entre 10 et 15% pour chaque commande. 3)- Etant donné que les contrats exécutés sont pluriannuels, la contrainte de la dévaluation du dinar expose le producteur national aux effets irréversibles de perte de change, d'autant plus que 80% de la matière est importée et soumise inévitablement à un paiement préalable par lettre de crédit avant même sa mise en production. 4)- Le producteur national est en outre gêné du fait que le recouvrement à 100% de ses factures ne s'effectue qu'après livraison du produit sur chantier de pose, alors que pour toute commande, le paiement des soumissionnaires étrangers doit être préalablement garanti par une lettre de crédit, confirmée avant même la mise en fabrication. 5)- Au niveau de Sonatrach, on reconnaît que, jadis, les marchés des grands projets hydrocarbures étaient régulièrement attribués à des entreprises nationales aux capacités conformes à l'importance des projets. Aujourd'hui, force est de constater qu'un problème épineux hante l'esprit des membres du syndicat et de la direction de l'entreprise Pipe-Gaz/Ghardaïa. Il s'agit notamment d'un important projet de fourniture de tubes à haute pression (MED-Gaz2) d'un linéaire de 250 km, d'un diamètre de 48'' qui vient de leur filer sous le nez et qui vient d'être curieusement octroyé à une firme étrangère grecque (Korent-Pipe). Pourtant, dans tous les pays du monde, les entreprises publiques ou privées contribuent d'une manière ou d'une autre à résorber en partie le problème du chômage et apportent un plus à l'économie nationale. Il se trouve que, chez nous, certaines de ces volontés rencontrent des difficultés pour se procurer un plan de charge. Le cas vient d'être illustré par les responsables de Pipe-Gaz/Ghardaïa, qui sollicitent notre rédaction afin de soulever le calvaire qu'ils endurent à cause de cette injustice, de la part de Sonatrach qui vient d'attribuer un si important projet à une entreprise étrangère au détriment d'une entreprise nationale.Cependant, les conditions économiques escarpées que vivent en ce moment les entreprises nationales et privées, découlant à vrai dire d'une curieuse réticence dans l'octroi des marchés, particulièrement envers celles implantées au sud du pays, entraînent souvent Sonatrach à ignorer le principe des priorités, puisque les relations personnelles auraient, semble-t-il, pris le dessus sur les démarches réglementaires. Un tel état de fait n'a pas manqué d'augmenter le nombre des chômeurs dans notre pays. Quoi qu'il en soit, du fait de cette situation qui risque de mettre en cause l'existence même de l'entreprise, le combat que doit mener Pipe-Gaz/Ghardaïa, en vue de se procurer d'éventuels projets (pourvu qu'il en reste ?), s'avère déterminant pour l'avenir. Cette entreprise se trouve, en effet, comme l'a souligné son directeur général, Tahar Haimoud, entre l'enclume et le marteau. Car sa survie dépendra désormais de la nature des relations futures qu'elle entretiendra avec les « décideurs de Sonatrach » chargés de ravitailler sans cesse en projets cette entreprise nationale, installée par l'Etat, non pas par hasard, au sud du pays, entre les deux pôles pétroliers (Hassi R'mel et Hassi Messaoud), et qui n'est donc pas censée s'arrêter faute de plan de charge... En attendant, faudrait-il que Pipe-Gaz/Ghardaïa continue d'assumer les conséquences financières de ce manque à gagner en prenant notamment en charge, sur son propre capital, tous les frais de gestion et la masse salariale de ses 660 employés qui se voient déjà mis au chômage technique et qui commencent à s'interroger sur le devenir de leur entreprise, par conséquent, de leur situation. Cette question restera donc toujours posée et la résolution de l'énigme n'est sans doute pas pour demain. Une vraie équation que personne, en dehors peut-être de Chakib Khelil, n'est vraisemblablement empressé de résoudre au niveau de Sonatrach. La suite, on la connaîtra peut-être prochainement.


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