A la fin de la saison touristique, dans le Hoggar comme ailleurs dans l'extrême Sud, qui va d'octobre à avril, succèdent aussitôt les préparatifs de la saison suivante. L'été apporte, lui aussi, sa part de travail avec des reconnaissances de terrain effectuées afin de satisfaire une clientèle de touristes avides d'aventure et de ressourcement dans les espaces sahariens. Les confins de l'Assekrem, ces hautes altitudes du Hoggar, revisités dans leurs plus intimes présences : une partie de plaisir qui se déroule sur des altitudes de 2000 à 2800 m avec une température n'excédant guère les 30 degrés le jour et un air très frais, dès que le soleil décline, qui évolue carrément vers une température hivernale, la nuit, jusqu'à se couvrir chaudement ! La virée est professionnelle et exaltante à la fois. Elle prépare un voyage touristique destiné à des aventuriers occidentaux pas comme les autres, qui désirent marcher sur les pas de Charles de Foucault, à travers monts et montagnes de l'Assekrem, pour atteindre les sommets où le religieux a niché son érmitage au début du XXe siècle. Conviée à cette reconnaissance de terrain, c'est à la fois à une initiation au professionnalisme dans le tourisme et à une autre découverte, intime, de l'Assekrem, que je m'adonne : un véhicule tout-terrain, deux guides chevronnés, le responsable d'une agence touristique et une observatrice pour narrer les plaisirs qu'auront à vivre les touristes religieux attendus dès octobre. « Cette prospection se fait pour répondre à une commande spéciale pour des pèlerins âgés de 60 ans et plus, qui veulent faire l'Assekrem à pied. C'est un type de tourisme que nous leur préparons, plus ou moins à caractère mystique, qu'ils ont déjà fait ailleurs, dans d'autres contrées. Cette année, ils ont opté pour le Hoggar », explique Mohamed Rouani, responsable de l'agence organisatrice du voyage. « Ils viennent sur des terrains qui se prêtent au mystique et ils ont un point d'ancrage qui est l'ermitage du père Charles de Foucault », poursuit notre hôte. « Ce que âme désire », « méro n'man » en tamahaq, la langue des Imohaghs : un nom pour une agence touristique dont la philosophie repose sur la découverte, à pied et à chameau, lente et pleine, des espaces naturels et humains de l'immense aire saharienne. C'est précisément ce que propose son promoteur à ses touristes qu'il accueille comme des invités. Ceux qui viendront, en pèlerins, fouler pour la première fois le sol montagneux de l'Assekrem et de son massif l'Atakor seront naturellement envoûtés par la beauté rocailleuse et charmeuse des espaces ponctués de vie animale et végétale et qui ont happé tous ceux qui les ont connus. « Sekrem », comme l'appellent les Touareg, est aussi de ces espaces captivants qui demeurent, à jamais, ancrés dans la mémoire. Son nom évocateur s'attribue, en effet, tous les épithètes lorsqu'il est visité dans ses moindres recoins, à pied et à chameau, bien sûr : seule condition pour le vivre pleinement. Son nom signifie « as akrem » en tamahaq, qui veut dire « soit saisi ! », par la beauté des paysages, bien sûr, mais aussi par la singularité des rares hommes qui l'habitent ici et là, les tribus Dag Ghali et Adjuh n'Téhlé essentiellement. Et je ne pouvais, en effet, qu'être encore plus saisie par cet « Sekrem » que je croyais bien connaître alors que je ne l'avais approché que par le 4X4, ce qui était une erreur ! Cette reconnaissance de terrain, entamée le 18 juillet et qui durera quatre jours, sera une grande révélation pour l'amatrice de marche à pied que je suis. « Le site lui-même est magnifique, fait remarquer notre hôte, il est prêt du ciel et pendant son parcours, les pèlerins que nous attendons s'aménageront des heures et même des journées de méditation et de prière. » Pour ma part, et alors que la reconnaissance de terrain entamée, nous pénétrions les entrailles du massif par son flanc sud-est, ma méditation en ces lieux d'une autre dimension m'était dictée par la grandeur de ces montagnes approchées de très prêts, mais aussi par le souffle du vent qui fait frémir ces plantes fragiles ou cette eau précieuse des gueltas enfouies dans le cœur du roc, ou encore par cette caravane que l'on rencontre inévitablement et qui s'en va trouver des pâturages plus cléments. Autant d'éléments et de détails appréciés en compagnie du responsable de l'agence touristique et de ses deux guides chevronnés, Abdoulaye et Ghomrane avec lesquels ma marche s'avère un trésor de connaissances multiples. Ce sont ces mêmes guides qui accompagneront les touristes pèlerins et qui leur apprendront, comme ils l'ont fait avec moi, les noms évocateurs des montagnes et des pics qui jalonnent l'Assekrem et que nous avons parcourus le long de notre randonnée : Taridaline, l'hyène, Oul, le cœur, Tin ra, celle que l'on aime, l'Aoukenet au pied duquel nous coucherons la nuit ; ou encore Taharaghat : montagne légendaire, objet de désir et de dispute acharnée par ses prétendants, le pic Ilamane et le mont Tahat, le plus haut point d'Algérie avec ses 3000 m d'altitude. La lavande et l'armoise qui embaument l'air de notre passage. Les rochers qui portent, gravés, les messages inscrits en tifinagh par les voyageurs des millénaires passés. La mosquée de pierres disposées au pied de l'Ilamane, sur un sol précambrien, par un valeureux prédicateur du VIIe ou du VIIIe siècle, Roui Ilamane, de son nom ; ou encore le talus circulaire qui nous abritera une autre nuit, à l'orée de la Taéssa : petit massif rougeâtre, proche de l'Atakor. Le village de Terhenenet, qui se profile au loin, où les sédentaires Dag Ghali occupent des maisons en toub, en pierre et en roseaux... Des instants vécus avec la vague à l'âme, le chaud au cœur et le repos de l'esprit : c'est tout simple, et c'est ce que viendront chercher des touristes en compagnie de vrais Hommes.