Plus une ville est grande, plus les problèmes auxquels fait face la municipalité sont importants, voire insolubles. Les villes algériennes d'une façon générale ont connu un développement urbain qui n'a pas été suivi du développement socio-économique. Ce qui fait qu'aujourd'hui, de nombreuses cités souffrent et ploient sous la charge de moult phénomènes dont le chômage, le mal-vivre, le cambriolage... Aïn Beïda, qui a subi pendant de longues années le problème de l'exode rural, n'arrive plus à sortir des griffes d'un malaise dont les pendants ont pour dénomination : crise de logements, crise de postes d'emploi et une palette d'autres crises qui affectent la grande majorité de la jeunesse. Depuis longtemps déjà, on s'est aperçu de l'enlaidissement de la ville par des constructions parfois insolites, parfois saugrenues, par une architecture disgracieuse et sans attrait. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'existe pas de belles maisons et des villas cossues, dont la conception est très raffinée, voire d'une architecture moderniste. Les nouvelles cités, tant à l'Est qu'à l'Ouest tant au Nord qu'au Sud, sont érigées et conçues sans charme et où les magasins de commerce alternent avec les ateliers des artisans, où maisons alternent avec villas. Plus que cela, il n' y a pas de place pour les gamins, pas de squares pour les vieux et les retraités. Les cités sont laides et sans la vie qui s'y déploie, elles seraient repoussantes. Seul le centre-ville a gardé son cachet d'antan, avec des maisons encore couvertes de tuiles. Il est heureux de constater aujourd'hui que des citoyens redécouvrent les vertus et la beauté de la tuile rouge qui donne plus que du charme à la maison, mais une perspective de bonne aloi. Trêve donc de maisons cubiques et sans attrait. En tout état de cause, les anomalies qui défigurent l'aspect de la ville sont légion. Cela, sans parler de la prolifération des cafés et des salles de jeux. Pour ironiser sur cette situation, un jeune citoyen nous dit : « Entre un café et un autre, il y a un café. » Cette multiplication est le signe évident de l'intensification du phénomène chômage. Ce dernier n'a épargné que les citoyens nantis, donc capables d'ouvrir un commerce et d'y employer leur progéniture. Aïn Beïda a de tout temps subi l'exode rural, et aujourd'hui, la municipalité n'a pas les moyens nécessaires pour y faire face. Surtout quand s'annonce à l'horizon une attribution de logements sociaux. Pour n'importe qui, l'opération n'est pas de tout repos, car elle suscite toujours des remous et des contestations très chaudes au sein de la population. La cité des Haractas souffre dans sa chair le martyre et risque l'étouffement, si des mesures radicales n'y sont pas prises. Mais que peut-on faire à l'heure où le pays souffre d'une crise mutlidimensionnelle qui n'épargne aucun secteur de la vie publique ? Heureusement, diriez-vous, il y a le secteur privé et son investissement qui sauvent la face. Mais au regard des besoins toujours croissants d'une population qui augmente d'année en année, cela reste en deçà des espoirs des chercheurs d'emplois. Des dizaines d'ingénieurs, de licenciés et de techniciens attendent un hypothétique recrutement. Leur seul refuge reste le café du coin. Cela, sans évoquer les « sans niveau » ou ceux qui ont la chance de suivre une formation au CFPA et qui eux aussi ne savent pas quoi faire. Les plus débrouillards sont devenus des revendeurs de tabac et de cacahuètes. Les plus jeunes proposent des sachets en plastiques aux chalands. Il reste malgré tout, ce côté sympathique propre à la ville de Aïn Beïda et qu'on ne trouve nulle part ailleurs : la jovialité de ses gens et la faconde où la gouaille des jeunes qui fréquentent les coins chauds de la ville à la recherche de leur idéal perdu. Les jeunes en mal d'amour attendent patiemment le passage de leurs dulcinées. Mais comme tout est volage et sans consistance, laissons-les rêver. Cela aussi est l'autre visage de la ville, le côté rieur bien entendu.