Ni les vents soufflant très fort ni l'étendard rouge vif interdisant la baignade, encore moins les grappes humaines amassées près des stands des clubs n'ont empêché donner le coup de starter de la 11e édition de la coupe d'Algérie de voile à la grande plage de la ville côtière de Tigzirt (40 km du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou), mardi dernier. Hélas, les spectateurs n'avaient que quelques secondes furtives pour admirer la mise à l'eau des planches et autres embarcations aux prises avec les vagues et la houle, car le spectacle se faisait à des lieues du rivage. Rencontré à la base nautique régionale de l'antique Iimonium, Mohamed Azzoug, président de la Fédération algérienne de voile nous dit : « Nous enregistrons l'absence des ligues d'El Tarf, de Tlemcen et de Chlef. Une partie de la compétition regroupant un quart des effectifs en sus des participants des forces navales, se tient aussi à Tamentfoust, pour des raisons organisationnelles. » Ce responsable annonce, par ailleurs, que « huit infrastructures nautiques verront le jour prochainement et profiteront aux clubs pour couvrir leurs besoins en locaux pédagogiques, d'entreposage du matériel ainsi qu'en foyers pour athlètes. Et les wilayas concernées sont Aïn Témouchent, Mostaganem, Tizi Ouzou au barrage de Taksebt, Béjaïa, Boumerdès, Annaba et El Tarf ». Au sujet de la vie des clubs, le président de la Fédération algérienne de voile reconnaît que ces formations trouvent des difficultés à acquérir les matériels, fabriqués à l'étranger pour la plupart, mais affirme que « cela trouvera solution par la sensibilisation des opérateurs économiques pour investir dans la fabrication de ce type de matériel ». De quoi réjouir plus d'un amateur des sensations fortes marines, à l'instar du jeune Redouane K., un athlète de 1,90 m au physique de surfeur (ce qui est presque évident). Ce lycéen, natif de Tigzirt et membre d'un des deux clubs de sports nautiques de la même ville, a intégré l'équipe nationale de voile en 2003, dans la série laser, discipline réservée exclusivement aux hommes de plus de 18 ans. Partagé entre sa scolarité et sa passion pour les vagues, le vent et la voile, Redouane nous dit : « Les compétiteurs de la planche à voile rencontrent d'énormes difficultés. Avec l'arrivée de la nouvelle équipe à la ligue de Tizi Ouzou, les choses changent positivement, mais les subventions des clubs doivent être revues à la hausse si l'on veut aller de l'avant. Les équipement sont hors de prix. » Plus prolixe, son camarade Madjid K., président de la section voile de Tizi Ouzou, regroupant trois clubs (Cap Mer Azeffoun, Etoile Sportive de Tigzirt et Cap Mer Tigzirt), reprend : « Les consommables sont inabordables pour nos maigres subventions. Les ailerons, les cordages et les poulies sont payés de notre poche. » En voici le détail des prix : une planche pour la série des moins de 14 ans coûte entre 30 000 et 40 000 DA, celle de l'Optimiste vaut entre 50 000 et 60 000 DA l'unité, alors que la planche du Mistral coûte entre 150 000 et 200 000 DA. Notre interlocuteur explique aussi que ces planches, en fibres de verre, s'usent souvent, et leur réparation, artisanale, se fait à base de produits résineux coûtant 400 da/kg. Le gilet de sauvetage coûte 2000 DA et les boudins flottants coûtent 2000 DA. Pourtant aucune sortie en mer ne se fera sans cet équipement. Selon les membres du jury de jauge (arbitres devant se prononcer sur la sécurité des bateaux et le respect des normes), rencontrés sur place, inspectant les contours filiformes des planches et les voiles sous toutes les coutures, « les athlètes doivent se doter de gilets de sauvetage, d'un numéro d'identification, d'une licence et avoir contracté une assurance. Et la participation des concurrents est conditionnée par notre évaluation de la flottabilité des embarcations ». On ne badine pas avec la sécurité et l'armada des maîtres nageurs écumant les lieux tels des squales à l'affût de toute agitation sur ou sous l'eau, veille et rassure les participants.Rédha Hcène Guerraba est entraîneur de la section Optimist du club communal de Hammamat d'Alger, et de l'équipe nationale de voile. Il participe (pour la troisième fois) à la 11e édition avec sept athlètes. La côte kabyle semble réussir au club de Hammamat qui a remporté à deux reprises la coupe d'Algérie de voile organisée dans la ville de Tigzirt. Manifestant sa contrariété vu les vents et la houle, il signale : « Contrairement à une idée reçue, la voile n'est pas un sport de riche. La majorité de nos athlètes est issue des classes moyennes, ce qui accentue nos difficultés d'acquisition du matériel. Nous avons une subvention de la DJS d'Alger ainsi que du fonds de wilaya, mais cela n'empêche pas notre club d'être l'un des plus titrés d'Algérie ou celui ayant offert à la sélection nationale ses meilleurs compétiteurs que cela soit lors des Jeux panarabes africains ou magrébins. » Ce club algérois, avec 30 athlètes, a été créé en 1985 alors que la section a vu le jour en 1970. Tout en réconfortant une jeune athlète qui n'a pas pu prendre le large avec son embarcation, l'entraîneur national nous dit : « La sélection nationale ira en Tanzanie participer aux Jeux africains prévus pour la fin de ce mois d'août avec cinq athlètes. » Sur le rivage, des agents de la sûreté nationale, assurant la sécurité de la plage, laissent transparaître des signes de mécontentements en raison d'une désorganisation palpable au début de la compétition, alors que des yeux des estivants scrutent l'horizon où s'agite une noria de voiles en spéculant sur les vainqueurs.