Quelques jours à peine après l'adoption par la Commission européenne des nouvelles normes d'expulsion des immigrés jugés « dangereux pour la sécurité intérieure », le ministère de l'Intérieur italien a procédé à l'expulsion de deux Maghrébins qui font partie d'une liste de 700 personnes déclarées persona non grata. Les autorités italiennes, qui s'étaient félicitées des nouvelles mesures européennes nettement plus sévères visant à rendre rapide et définitive l'expulsion des étrangers suspectés d'avoir des liens avec des réseaux terroristes ou d'être des prédicateurs intégristes, n'ont pas attendu longtemps pour entrer en action. Elaborées par le vice-président de la Commission européenne et ancien ministre des Affaires étrangères italien, Franco Frattini, ces mesures permettent à la police italienne d'appréhender des immigrés chez eux et de les accompagner à l'aéroport, pour les embarquer sur le premier vol à destination de leur pays d'origine. C'est ce qui est arrivé, mardi matin, à un Marocain, propriétaire d'une boucherie hallal et imam d'une salle de prière, dans le quartier Porta Palazzo, où vivent de nombreux Maghrébins, à Turin (nord de l'Italie). Bouriki Bouchta, 40 ans, avait quitté Khouribga (Maroc) pour l'Italie, il y a plus de 20 ans et ses trois enfants sont nés en Italie. Il a commencé à s'attirer l'hostilité des xénophobes du parti de la Ligue du Nord lorsqu'un journal l'avait accusé d'avoir exprimé « son admiration pour Ben Laden », au lendemain du 11 septembre 2001, attitude qu'il a toujours niée. Depuis, il était souvent sollicité par les médias italiens à propos du terrorisme et de l'intégrisme. N'étant ni théologien ni intellectuel, il se contentait de répondre comme un simple musulman pratiquant. Ainsi, après la diffusion par la télévision publique italienne du film Submission du Hollondais Theo Van Gogh (connu pour ses positions racistes), assassiné par un intégriste, Bouchta avait exprimé un point de vue mièvre et jugé ambigu par ses détracteurs qui y ont lu une légitimation de l'attentat contre le cinéaste. Ces attaques l'ont poussé à devenir actif politiquement et à dénoncer le terrorisme. Il avait même organisé des marches pour condamner l'enlèvement d'Italiens en Irak et exiger leur libération. Mais son « repentir » n'a pas dû convaincre les investigateurs italiens qui ont débarqué chez lui, lundi à 4h, pour l'accompagner à l'aéroport. La semaine dernière, c'était un Tunisien, Litayem Amor Ben Chadli, un maçon de 50 ans, responsable d'une petite association culturelle islamique à Como, qui a été expulsé car accusé d'avoir eu un rôle de propagande et de recrutement d'activistes islamistes. La petite communauté maghrébine de la région de Como a pourtant affirmé connaître peu ce personnage à la vie modeste. Deux autres mandats d'expulsion touchant deux Maghrébins ont été signés, cette semaine, par le ministre de l'Intérieur, Giuseppe Pisanu, et n'ont pas encore été exécutés, car les concernés n'ont pas été localisés. D'autres interpellations vont suivre car, selon des sources proches du Viminale (ministère de l'Intérieur), une liste de 701 immigrés « expulsables », dont la plupart sont d'origine maghrébine, a déjà été arrêtée. Pour le député du mouvement des Verts et vice-président de la Commission de la justice au Parlement, Paolo Cento, la dernière expulsion de Bouchta « répond plus aux exigences politiques de la Ligue du Nord qu'à la nécessité de combattre concrètement le terrorisme ». Le député de la Ligue du Nord, Mario Borghezio, connu pour ses discours offensifs contre les musulmans et qui avait demandé l'expulsion de l'imam de Turin, s'est félicité, hier, de cette nouvelle : « Cette décision montre que grâce à la pression de la Ligue, on commence à prendre au sérieux la lutte contre le terrorisme. »