Le « colossal » projet Marina Palm d'Alger-plage, commune de Bordj El Bahri, inspiré sur le modèle de son aîné de Palm Island de Dubaï, est d'ores et déjà prédestiné aux abysses. En tout état de cause, le diagnostic des autorités locales et des riverains ne souffre d'aucune ambiguïté. Dans une lettre adressée au ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire, les riverains déclarent : « Les amis de la nature tirent la sonnette d'alarme et apportent des précisions sur la modification de tout l'écosystème des rivages, notamment l'absence d'une étude fiable sur les courants marins ainsi que sur la protection de la faune et de la flore. Les écologistes dénoncent également l'utilisation éhontée des débris du séisme, auxquels sont peut-être restés collés aux restes de chair humaine pour le remplissage des assises. » En somme, le Marina Palm n'est qu'un géant aux pieds d'argile qui arrive à peine à se tenir debout. Les assises des promenades, longues d'au moins 350 m, sont solubles dans l'eau, puisque les matériaux proviennent essentiellement des décombres des maisons détruites lors du tremblement de terre du 21 mai 2003. Dame nature est menacée des prémices d'une catastrophe écologique annoncée et les riverains sont spoliés, depuis plus d'une année et demie, d'une mosaïque de plages d'une dimension de plus de 150 m. C'est le cas de la plage appelée communément « La Cinq » par les habitants. Présentement, le rivage n'est plus qu'un amas de débris et de ferraille où il est désormais interdit de faire trempette. « Cela fait maintenant plus de deux saisons estivales que nous sommes injustement refoulés de notre destination préférée », nous dit ce riverain. C'est ainsi que les habitants mitoyens à ce rivage qui ont souffert, de longs mois durant, de la présence continuelle des épais nuages de poussière, des particules de décombres, ainsi que du vrombissement incessant des camions de gros tonnage, soutiennent que les venelles menant vers cette grande bleue ont été barricadées à l'aide de plaques en zinc et de grillage par ce même promoteur. En conséquence, ce qui devait être l'investissement d'un livre ouvert sur les sites et monuments historiques classés, et son corollaire de structures d'accueil, s'est révélé un déferlement de vagues de faible ampleur et sans aucune prétention. Pourtant, le coût de l'investissement global avoisinait, selon le promoteur lors d'une conférence de presse organisée le 22 août 2004, à une enveloppe de plus de 10 millions de dollars et la réception de l'ouvrage dans un délai n'excédant pas 24 mois. Le budget devait faire l'objet d'un montage financier impliquant les départements du tourisme, de la culture et de l'environnement. D'ailleurs, une virée en canot pneumatique au large de la grande bleue renseigne, si besoin est, sur l'ampleur d'un canular annoncé à grandes pompes et soutenus par des officiels apparemment si peu renseignés sur le sujet. Un projet naufragé de l'inconscience des hommes Contacté à ce sujet, le premier vice-président de la municipalité de Bordj El Bahri, en l'occurrence Melle Dridi Naïma, nous dira : « Le promoteur n'a pas respecté les clauses du cahier des charges régissant la réalisation de cet ouvrage maritime qui devait s'étendre sur une superficie de 4000 m2. L'APC ne s'oppose pas aux projets de réalisation d'infrastructures touristiques pour peu que le projet réponde aux spécifications techniques et aux conditions administratives et juridiques. » Pis, notre interlocutrice enfonce davantage le promoteur et déclare : « D'ailleurs, le promoteur n'est pas en possession d'une autorisation portant permis de construction, dont l'attribution reste, avant tout, tributaire d'un dossier comportant des éléments techniques. » D'après cette élue, le promoteur n'est pas à son premier dépassement, et ajoute : « La nature des matériaux de construction ne répond pas aux normes édictées en pareil cas. D'ailleurs, les travaux entamés en 2003, avec l'opération de remblayage à l'aide d'une logistique constituée de 100 000 camions, avaient obstrué le réseau d'assainissement et le collecteur des eaux pluviales. » Dépêchée sur les lieux, une équipe d'ingénieurs spécialisés dans les études maritimes ont relevé des anomalies au niveau des remblais. L'effet de houle a provoqué des excavations dans les assises. En tout cas, c'est l'effroi qui guette le visiteur au pied de l'embarcadère en raison du décor apocalyptique qui s'offre aussi loin que la vue puisse s'étendre. Aujourd'hui encore, des associations de riverains se sont élevées pour dénoncer ce qui devait être un simple club de loisirs nautiques pour une frange sélective. Nadir Kerri , Nazim Djebahi