Jamais une visite présidentielle n'a été aussi médiatisée que celle qu'effectue aujourd'hui le président Bouteflika dans la ville des Genêts. Tizi Ouzou, symbole d'une Kabylie frondeuse et martyrisée, se réveille ce matin avec beaucoup de questions. Quel accueil réservera-t-elle au président de la République ? Les autorités ont mis le paquet pour mobiliser le maximum de gens afin de remplir le stade du 1er Novembre alors que les partisans du boycott de la visite présidentielle multiplient les appels à la population. Celle-ci est toujours aigre vis-à-vis du chef de l'Etat, mais à quelques heures de l'arrivée du Président, nul ne peut prévoir sa réaction. La réquisition des personnels des administrations (wilaya, communes) et des institutions (banques, CFPA) n'est pas un gage d'affluence au stade. Certains cadres disent préférer rester à la maison pour profiter d'une journée de repos alors que d'autres, notamment dans les établissements scolaires, se demandent s'ils vont aussi bénéficier de ce privilège. Certaines organisations et mouvements « populaires » s'agitent pour saluer l'événement alors que d'autres font le contraire. Ainsi, le Mouvement culturel berbère (mouvance de Ould Ali L'Hadi, que l'on présente comme proche du Pouvoir) a rendu public un communiqué dans lequel il « souhaite la bienvenue au président de la République et ose espérer que cette visite (...) qui revêt un cachet particulier puisse être celle qui ouvrira les horizons de l'espoir à la population ». De son côté, le Congrès mondial amazigh s'interroge sur le devenir « des promesses faites par le chef de l'Etat d'appliquer les conclusions de la commission Issad, qui ont clairement mis en évidence les responsabilités du massacre qui a coûté la vie à 127 personnes en Kabylie, tuées par les gendarmes ». Aussi, le CMA appelle-t-il « au rejet de ce projet (la charte pour la paix et la réconciliation) et au boycott du référendum organisé le 29 septembre ». Quels effets auront ces appels sur le terrain ? Le doute est permis, car la population a tourné le dos aux slogans et bon nombre de ces organisations sont réduites à de simples sigles. C'est dans ce climat à la lisibilité politique manquante que le président de la République vient à Tizi Ouzou. Hier, les artères de la ville et l'itinéraire que devra emprunter le cortège présidentiel étaient bien gardés par un dispositif sécuritaire qui a impressionné le Tizi Ouzéen. Des rondes de véhicules policiers et militaires étaient incessantes. Les préparatifs continuaient hier encore. Et les responsables de la wilaya, une fois n'est pas coutume, ont transmis un communiqué à notre rédaction pour informer les habitants de la haute ville de Tizi Ouzou qu'une enveloppe financière d'un montant de 65 000 000 DA a été dégagée pour « une opération permettant la prise en charge de plusieurs réseaux, dont le démarrage effectif vient d'être effectué ». Aveu public que le nettoyage de la ville est une opération circonstancielle et limitée dans l'espace. Pour ou contre, la population de la région attend le Président beaucoup plus sur le terrain économique et ce qu'il dira sur certaines questions sensibles.