Les images du séisme en Asie du Sud que diffusent actuellement toutes les télévisions du monde ont de quoi susciter l'inquiétude, pour ne pas dire l'angoisse chez beaucoup d'Algériens. Et pour cause. Un tremblement de terre de magnitude 7,6 qui a fait près de 20 000 victimes et des dizaines de milliers de blessés et des dégâts matériels importants... Un bilan provisoire qui risque malheureusement de s'alourdir parce que la catastrophe s'est produite dans une des régions les plus peuplées et les plus pauvres de la planète. On ressent encore plus d'inquiétude que chez nous. Cela fait 25 ans qu'a eu lieu le séisme d'El Asnam, le plus meurtrier depuis l'indépendance. La ville, baptisée depuis on ne sait pourquoi Chlef, sans doute pour éloigner toute malédiction que pourrait rappeler l'ancienne appellation de la capitale du Cheliff, en garde jusqu'à présent d'affreux stigmates, à l'image de ces chalets délabrés érigés dans des quartiers d'une ville qui n'a rien de tel. Depuis ce triste et douloureux 10 octobre, d'autres séismes ont frappé d'autres villes et secoué d'autres régions : Constantine, Tipaza, Mascara et plus près de nous et le plus meurtrier, celui de Boumerdès. Mais a-t-on pour autant tiré - c'est malheureux de le dire ainsi - les enseignements de ces catastrophes ? Il suffit de circuler un peu dans Alger pour se rendre compte combien le risque que représente l'existence de cinq failles, révélée dernièrement par les experts japonais, est grand, tant pour les habitants de la capitale que pour les infrastructures, dont certaines sont vitales pour le fonctionnement du pays. Des sièges de ministères, le central téléphonique Aïssat Idir, par exemple, ne seraient pas épargnés en cas de séisme de 6,5, donc légèrement moins important que celui de Boumerdès. Ni même l'hôpital Mustapha. Autant dire que dans l'hypothèse d'un tremblement de terre de magnitude égale à celui qui a secoué l'Asie du Sud, les trois quarts de la capitale seraient rayés de la carte et le nombre de victimes autrement plus élevé que celui de 2003 vu la vétusté des immeubles et la densité du cadre bâti. Et pourtant, aussi bien les inondations de Bab El Oued en 2001 que le séisme qui a suivi deux ans plus tard ont montré combien il est difficile de faire parvenir au regard de la configuration de la capitale devenue exiguë pour deux millions et demi d'habitants. Elle ne possède même plus d'espaces de dégagement et d'aires de regroupement pour les milliers d'habitants des quartiers les plus exposés en cas de catastrophe naturelle. La réhabilitation de nombreux quartiers de la capitale après le séisme de 2003 n'a malheureusement pas tenu compte de ces contraintes ni de cette densification démesurée de la capitale qui risque à tout moment de subir de tragiques conséquences. Gérer, c'est prévoir, y compris le pire, dit-on. Les pouvoirs publics n'en ont cure de toute de prévision, encore moins de la gestion des villes et ses habitants, en somme. Et c'est là le plus tragique...