Il ne faut pas être critique avéré de la chose télévisuelle pour se rendre compte que le programme Ramadhan de cette année conçu par la Télévision nationale à travers ses cinq canaux (TV Coran et la chaîne tamazight intervenant en simple appoint) est loin de répondre, après une semaine de diffusion, aux critères de qualité avancés par la Direction pour défendre sa grille. Le commun des téléspectateurs qui a pris l'habitude de consommer large pendant cette période du mois sacré, sans trop se poser de questions, pourvu, pense-t-il, que le divertissement soit correct pour accompagner la rupture du jeûne, qui donc fait preuve de beaucoup d'indulgence avec ses exigences, trouve en effet que le menu proposé est dans sa globalité triste et même indigent par certains aspects, à l'image de la caméra cachée réalisée par Hamel qui a élu refuge on ne sait trop pourquoi à Jijel ou de Dar el Mekki, la production oranaise qui s'est révélée comme une copie grotesque de Djemai Family. On cite ces deux productions dont la faiblesse technique et artistique est trop flagrante, comme on aurait pu citer d'autres affiches qui se sont intercalées dans la plage horaire privilégiée de la soirée, mais qui en toute objectivité n'ont pas leur place si l'on tient compte du niveau de réalisation en vigueur dans les stations européennes et aujourd'hui de plus en plus dans le monde arabe puisque les télés des pays du Golfe et même du Maghreb s'alignent sur les critères de perfection pour rendre leurs produits exportables. A côté de ces chaînes qui envahissent nos foyers et qui s'imposent davantage par leur qualité conceptuelle, la marque de fabrique de l'Unique ne fait pas le poids. Amputée par l'absence des productions qui ont fait longtemps le bonheur du public algérien comme Nass Mlah City, Djemai Family ou Imaret l'Hadj Lakhdar, cette marque a encore fait une chute plus dramatique que ni Wash Dani du toujours présent Djamal Gacem, ni Saad Gatt dans lequel Mohamed Bouchaïb tient le rôle principal après avoir été un simple comparse de Souileh n'ont réussi à lui redonner des couleurs. Comment diable prétendre vouloir séduire les téléspectateurs, et donc faire de l'audience quand derrière la vitrine ça respire plutôt le bricolage et une intention difficilement dissimulable de jeter de la poudre aux yeux. En tout état de cause, les Algériens qui jusque-là ont fait preuve de beaucoup de mansuétude envers leur télé, sont aujourd'hui de plus en plus nombreux à penser que la grille actuelle a été faite dans la précipitation, et qu'elle ressemble davantage à du remplissage qu'à un programme digne de ce nom, réfléchi pour être à la mesure des attentes et surtout pour montrer que le petit écran national ne reste pas trop en retrait du niveau international. Pourquoi se mettre dans cette position alors que la Direction, en installant son nouvel organigramme, avait exprimé ses vives intentions de secouer le cocotier de la médiocrité en mettant les moyens qu'il faut pour redresser la barre ? Il faut croire que les belles intentions ne suffisent pas puisqu'on retrouve les mêmes travers, de surcroît durant cette période bénite du mois de Ramadhan où l'on est censé mettre tout son savoir-faire, qualitativement et quantitativement parlant, à l'appréciation des téléspectateurs par une production toujours portée vers la perfection. Que vaut par exemple Wach Dani qui passe pour une tête d'affiche devant Djemai Family pourtant du même auteur ? Bien que ce ne soit pas le même sujet, le traitement artistique de l'œuvre est différent. On sent Djamal Gacem plus à l'aise dans la production qui a fait école autour du personnage de Souileh que dans cette caméra cachée où il a du mal à se retrouver. Ceci pour dire que dans cette médiocrité relative qui a pris le dessus, la responsabilité des réalisateurs et des producteurs qui sont majoritairement versés dans le privé, n'est pas entièrement engagée. Il serait faux et absurde de croire que l'Algérie, voire les secteurs audiovisuel et cinématographique nationaux, manquent à ce point de créateurs confirmés et de talents aussi bien dans la comédie que dans la réalisation. Les générations d'artistes ne se tarissent pas, mais c'est le fond qui ne suit pas. Autrement dit, pour rester dans le domaine de la production consacrée au divertissement, c'est au niveau des entraves bureaucratiques qu'il faut chercher les véritables causes de ce malaise télévisuel. Demandez à nos comédiens dont la popularité a dépassé les frontières pourquoi ils ne sont pas sollicités plus souvent alors qu'ils sont en pleine phase de créativité ; ils vous répondront qu'il y a une grave méprise sur leur talent de la part des décideurs. Alors que la télé nous matraque avec ses spots publicitaires qui représentent une manne financière non négligeable, on continue de spéculer sur les cachets de nos stars considérés comme trop onéreux. D'ailleurs, c'est une question d'argent qui a fait que cette année nos meilleurs comédiens ont été écartés de la scène. Des économies de bouts de chandelles qui pénalisent cependant fortement les téléspectateurs auxquels on refile un troisième choix pas toujours évident. Entre les problèmes financiers et le manque de discernement culturel et artistique, l'Unique a assurément l'art de se noyer dans un verre d'eau.