On n'est jamais mieux servi que par soi-même ! C'est ce qu'inspire a priori comme lecture le dernier sondage d'opinion réalisé par Media Sens, une agence conseil en média et publicité, pour le compte des cinq chaînes de la télévision nationale et ce, dans le but évident de crédibiliser un tant soit peu une grille Ramadhan si décriée par la presse, qui a eu en tous cas des échos très mitigés auprès des téléspectateurs.Le sondage effectué sur la base d'un échantillon de 7000 personnes et sur une période courte d'une semaine (du 17 au 23 août 2010) n'est en réalité une surprise pour personne quand il nous révèle que durant ce mois de Ramadhan, ce sont les chaînes nationales, avec en tête la chaîne terrestre, qui ont inscrit les plus beaux scores en matière d'audimat. Plus 40% de taux de pénétration dans les foyers, et près de 20% de taux d'audience pour l'ENTV, talonnée par A3, et laissant loin derrière les télés arabes comme MBC ou Nessma TV qui font figure de sérieuses concurrentes le reste de l'année. C'est évidemment pendant le laps de temps d'une heure et demie ou de deux heures qui intervient juste après la rupture du jeûne que l'Unique enregistre ses meilleures performances. Dans cet intervalle durant lequel les Algériens aiment bien «décompresser» devant leur petit écran, les émissions locales allant du sitcom au feuilleton de la soirée, en passant par les caméras cachées (qui ont bizarrement proliféré cette année) ou les sketches chorbas, restent indétrônables. On ne le dira jamais assez que pendant le Ramadhan c'est cette vérité télévisuelle qui prime. Le public algérien ne se montre pas trop regardant sur la qualité du programme. Il préfère donc consommer des images qui lui renvoient son quotidien comme dans un miroir, même si elles ne sont pas bien agencées, que d'aller s'illusionner sur des spectacles étrangers qui ne soulèvent pas d'émotions particulières, bien qu'ils soient esthétiquement mieux faits. Du reste, après l'overdose des chaînes étrangères qui occupent, dans une large proportion de consommation, l'espace onze mois sur douze, l'Unique mérite bien une pause pendant le mois sacré. Le retour sentimental vers le petit écran national se fait presque naturellement. Alors, on se demande à quoi, en fait, sert d'avoir recours à une étude d'opinion auprès d'une boîte spécialisée quand le résultat est connu à l'avance. Autrement dit, demandez à n'importe quel téléspectateur algérien ce qu'il regarde le plus après le ftour, il vous répondra neuf fois sur dix le programme de la télé algérienne. En dépit de la pauvreté du contenu qui caractérise le gros de la grille et qui cette année, paradoxalement, a atteint un niveau de platitude inquiétant au moment où les responsables de l'Unique se donnent des raisons d'être satisfaits après les résultats de l'enquête de Media Sens, la préférence pour le produit local est incontournable. Car, croire que c'est par leur valeur technique ou artistique que les émissions phares qui ont été les plus suivies comme «Wash Dani» la caméra cachée de Djamal Gacem ou El Dakira El Akhira, le feuilleton de Messaoud Laïb, serait une erreur grave d'appréciation tant le label de la production algérienne demeure encore bien en retrait des normes universelles de réalisation propre à la télévision. L'Algérie dans ce domaine n'arrive pas encore à rivaliser avec les productions moyen-orientales dominées par les marques de fabrique des Syriens, des Egyptiens et des Libanais, et la meilleure preuve est que ses réalisations ne sont pas exportables et ne franchissent même pas la zone Maghreb où pourtant les télés se ressemblent sensiblement. Le produit télévisuel algérien ne pourra avoir une vocation internationale que s'il s'améliore sur le triple plan de la maîtrise technique, de la thématique (scénarii) et de la direction des comédiens. En clair, il lui faudrait être esthétiquement vendable. Or, c'est loin d'être le cas pour l'heure, même si les efforts de Djamal Gacem, le réalisateur en l'occurrence le plus fiable de sa génération, sont très louables parce que sauvant la face d'un programme par trop insipide, mais qui s'avèrent néanmoins insuffisants pour tirer vers le haut toute la panoplie d'émissions de divertissement montées à la hâte et qui donnent mauvaise réputation à la télé. Faire dans la précipitation, voilà encore le gros défaut qui rend le travail de réalisation médiocre et qui fausse toutes les données d'une juste évaluation du mérite de nos créateurs. S'ils avaient eu plus de temps à consacrer à leurs œuvres —et sûrement plus d'argent —, ces derniers auraient-ils pu soigner leurs copies ? On le saura le jour où la télé se fixera des échéances de productions précises avec des partenaires qui joueront le jeu à fond et ne chercheront pas à faire dans le mercantilisme. Entre- temps, c'est malheureusement la loi de l'improvisation qui règne et qui place la direction de l'Unique dans une position inconfortable. Lorsqu'on arrive à être pris à la gorge, c'est-à-dire ne plus avoir le temps de visionner un produit et découvrir pendant sa diffusion sa nullité au même moment que le téléspectateur avant de le retirer, on se dit qu'il y a un sérieux problème de coordination et de collaboration qui doit être réglé au plus vite. Le Ramadhan est fini, c'est toute une année qui se profile à l'horizon pour espérer qu'au niveau du Boulevard des Martyrs on retienne la leçon pour préparer le prochain dans des conditions plus appropriées.