Jusqu'à la fin de la guerre d'Indépendance, ce village aura été affamé, meurtri. Le village Iâgachène, dans la commune d'Azeffoun, a payé un lourd tribut durant la guerre de Libération nationale. Ce petit village compte 31 chouhada, dont 6 femmes. Une stèle à leur mémoire a été érigée récemment, en présence d'une foule nombreuse. Les quelques portraits des martyrs exposés durant cette inauguration de la stèle, ainsi que les différents témoignages des moudjahidine ou de simples citoyens ou citoyennes, ont replongé les gens qui ont encore en tête les souvenirs de la guerre de libération, dans l'époque de ces années de braise et de famine. Certains vieux et vieilles étaient morts de faim durant cette période. Si durant la commémoration, les citoyens de plusieurs villages voisins étaient invités, ce n'est pas seulement par relation de bon voisinage; mais il faut savoir que durant la guerre de libération, les villages Tiouidiouine, Cheurfa Bourzik, Tiza, Issoumathène, Iziriouène et Houveli étaient évacués vers les deux villages Ighil Mahni et Iâgachène. L'histoire de ces villages est commune. C'est en 1956 qu'un camp militaire était installé à Ighil Mahni, en face, à portée de fusil, est situé le village Iâgachène. Depuis l'évacuation des villages cités, à Iâgachène, dans chaque maison sont entassés parfois jusqu'à trois familles, qui dans leurs malheurs vivaient dans une entente et une complicité parfaite. D'ailleurs cette entente est restée jusqu'à présent. Depuis l'installation du camp d'Ighil Mahni en 1956 et de la SAS vers fin 1957, le malheur de ces deux villages s'est accentué. Il faut dire que les militaires français tiraient sur tout ce qui bougeait à Iâgachène. Lorsqu'en 1959 un poste avancé est installé au centre d'Iâgachène dans l'unique maison à deux étages et surmontée d'une guérite et que tout le village fut entouré de barbelés, le dernier tour de vis était donné. Jusqu'à l'indépendance ce village aura été affamé, meurtri. C'est les larmes aux yeux que certains se remémorent cette époque. Les trois kilomètres de piste, ouverts par un bulldozer, ont été pavés par des femmes et sous les coups de crosses ou de fouet. Des gamins de 10 ou 12 ans ont été surexploités par les militaires leur faisant faire toutes les tâches ingrates, comme leur chercher de l'eau à dos d'âne ou se faire approvisionner d'Ighil Mahni. Il y a lieu de rendre hommage à toutes ces familles, qui, même dans cette misère trouvent quand même le moyen d'apporter l'aide logistique aux maquisards en se privant elles-mêmes. Durant l'inauguration de la stèle commémorative, en présence des autorités, des moudjahidine de la région ainsi que de plusieurs centaines d'invités, certains ont apporté leurs témoignages relatifs à leur passage, durant la guerre, dans ce village et par rapport à leurs frères d'arme dont certains sont sur la liste des 31 chouhada de ce village. Tout comme le précieux témoignage de Gaoua Brahim, enfant du village et un des rares survivants de la guerre, gradé de l'ALN, c'est l'histoire en direct qui nous est contée. C'est ainsi que nous apprenons que certains à l'image de Tazka Mohamed, avaient rejoint le Mouvement national bien avant le déclenchement de la guerre de libération. Comme nous apprenons également que le premier chahid d'Iâgachène est Agachi Ali en 1956.