On aura tout vu sur la scène de la grande salle de la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou dans cette soirée de fin de semaine : chant, danse et mode ! Un spectacle musical qui a mis sur scène deux dames venues égayer leurs fans, avec un public nombreux pour une soirée dédiée exclusivement au chant folklorique, interprété admirablement par Massa Bouchafa et Aldjia. Deux voix qui ont su tenir en haleine une assistance «friande» de la poésie féminine, une poésie qui tient compte des traditions séculaires de la région et des airs musicaux ancestraux. Ainsi, les thèmes sont inspirés de la réalité vécue par les femmes et les jeunes à travers le pays, en général, et particulièrement en Kabylie. Les textes, habillés d'une variété de genres musicaux : folk, musique contemporaine, légère et mélodieuse imprégnant les esprits tantôt de tristesse, tantôt de joie. Vêtues de robes kabyles, les deux dames se sont parées de leurs plus beaux atours ; bijoux berbères et foulards qui donnent cet aspect d'authenticité de l'image de la femme kabyle. Avec sa voix douce, Aldjia entame son programme par une chanson d'amour Seqsi ouliw avant d'enchaîner par deux chansons demandées par le public : Robba nechach qui lui a valu le succès à partir des années 1980 et Dwagi dezhou neddounith. La scène est prête à accueillir l'enfant prodige de Aïn El Hammam, Massa Bouchafa en l'occurrence, annoncé par un prélude d'entrée très connu du public. Du haut de sa longue carrière dans la chanson, Massa Bouchafa glanera des titres de son riche répertoire composé de 15 albums. Des tubes qui lui ont valu un succès franc sur la scène locale et une place privilégiée dans le champ artistique. Pas seulement comme Aldjia, Massa a chanté aussi à une époque où l'art ne se conjuguait qu'au masculin dans une société kabyle conservatrice. Elles avaient le mérite, aux côtés de véritables divas comme Nouara, Noura et bien d'autres, de briser un tabou comme le revendique Massa Bouchafa dans plusieurs de ses titres. L'artiste n'a rien perdu de sa verve tant elle séduit encore par sa méthode interprétative conjuguée à la danse qu'elle exécute avec effort, beaucoup d'art et de doigté. Des titres tels que Thigrathine, Salah tmourthiw, Inas astendemedh et un hommage au club phare de la région, la JSK, ont enflammé le public qui, en l'acclamant, lui en demande davantage. Au terme du gala, Massa, qui regrette toujours le manque de considération devant revenir de fait aux artistes algériens, femmes ou hommes, nous dira : «J'ai le plaisir de constater que notre wilaya, ainsi que le public kabyle en général, accueille tous les artistes, de quelque genre que ce soit et savoure tous les styles musicaux. Ce que je regrette, en revanche, c'est le fait que nos artistes, ceux de Tizi Ouzou en particulier, ne sont pas souvent invités dans les autres wilayas en dehors de Bouira et Béjaïa. Cette année, à Alger, le public n'a eu droit qu'à deux spectacles berbérophones, je pense à mes confrères Aït Menguellet et Hassan Ahres.» Elle fera encore remarquer : «L'Office national de la culture (ONC), ainsi que les directions de la culture des autres wilayas doivent faire un effort dans le but de permettre à nos artistes de se produire là où il y a leur public pour ne plus se confiner uniquement dans notre région ; ils (les fans) sont nombreux à nous attendre et c'est tout le monde qui aura tout à gagner !»