Elle vient de rentrer en Algérie après un périple au Maroc, où elle a, dit-elle, subjugué le public des villes de Tanger et d'El Houceima. C'est la femme libre qui a épousé la chanson kabyle et en a fait un instrument pour casser les tabous dans une société de son temps conservatrice. L'engagement de Massa Bouchafa s'inscrit dans la défense et l'amélioration de la condition féminine en Algérie et véhicule la culture berbère, ailleurs, à travers ses chants, sa tenue de spectacle et sa danse folklorique. Elle évoque, dans ses airs envoûtants, tout le malaise et le stress de la société kabyle, avec un ton solennel et un texte sans équivoque. Le tout est enveloppé dans un fond musical authentique. Chanteuse, elle interprète avec beaucoup d'ingéniosité, mais aussi d'amour les produits réalisés par son mari, M'hend, un auteur compositeur. Un couple en parfaite symbiose qui ne ménage aucun effort pour enflammer les planches des grandes salles de spectacles, en Algérie comme à l'étranger. Massa Bouchafa est l'enfant prodige de la région de Aïn El Hammam, où elle a vu le jour en 1964. Sa rencontre avec M'hend a donné une fusion plus que jamais tonitruante sur le plan artistique, qui lui a valu un succès sans précédent dans sa Kabylie natale, dans l'Algérie entière, et ensuite en France. Ce qui la distingue sur une scène est sa danse folklorique et une interprétation pleine d'adresse. Sur les plateaux télévisés, le public lui reconnaît son franc-parler et sa modestie. Pour des raisons purement professionnelles, le couple s'envole pour la France en 1995, en quête de réussite et pour pouvoir vulgariser et faire connaître sa musique de par le monde. Chose faite. « La raison principale de mon installation en France est très simple ; comme la plupart des artistes algériens, je pense notamment à Khaled, Souad Massi, Idir, ou encore Warda El Djazaïra en Egypte, qui a fait une grande carrière internationale. Je pense que la France est un passage inéluctable pour cela. Sinon, je viens souvent en Algérie, car je suis très attachée à mes racines. Effectivement, j'ai chanté une chanson qui s'appelle Tsroumt ayalen-iw, qui parle de mon départ. D'ailleurs, ce titre me touche beaucoup, car il décrit l'émotion que j'ai ressentie en partant, je savais ce que je laissais derrière moi, mais ce qui m'attendait était le parfait inconnu, après pour relativiser on se dit, il faut que je le fasse. Ce n'est pas un départ définitif. La preuve, je suis là cet été ! », explique-t-elle. Le couple Bouchafa vit au rythme des événements majeurs qui touchent leur Algérie en général et la population, en particulier, surtout la frange la plus vulnérable, les jeunes et les femmes, notamment. M'hend, de son côté, dira : « On essaye de toucher le cœur des uns et des autres, en écrivant des textes inspirés directement du vécu quotidien. Bien entendu, on se concerte avant de prendre les décisions. De mon côté, mes critères sont des sujets ayant trait aux traditions, à la patrie, et aux fléaux comme notre chanson qui parle des harraga, ''achoughar al babur'' qui est un sujet important à aborder. » Massa puise son inspiration dans la société, avec une nuance au point : « Dans mes chansons, je m'adresse à toutes les Algériennes et Algériens. Je ne suis pas régionaliste. Quand je parle de la femme, je ne fais pas référence à la femme kabyle en particulier, mais à la femme algérienne de manière générale. Lorsque je dénonce le code de la famille, je parle de toute l'Algérie, je ne vais pas non plus à l'extrême et je ne souhaite surtout pas offusquer mon public. Je privilégie la femme, car j'en suis d'abord une. Il n'y a que la femme qui peut comprendre et ressentir les souffrances des autres. Je me mets à la place de la fille, la mère et la sœur. Je sais ce qu'elles endurent au quotidien, je vais au plus profond des choses et ne désire surtout pas traiter de choses futiles, je veux que lorsqu'une femme écoute mes chansons, elle se reconnaisse dans le texte et qu'elle se dise que je m'adresse à elle. » Ainsi est Massa.