Les artistes étaient peu nombreux hier à l'enterrement de l'illustre comédien Larbi Zekkal, à Alger. Modeste, très modeste était la présence hier des artistes au cimetière de Sidi M'hamed à Alger à l'enterrement de l'illustre comédien Larbi Zekkal, décédé vendredi à l'âge de 76 ans. Les proches, les voisins du boulevard des Martyrs, les amis et compagnons du village natal de Harbil, les anciens moudjahidine et les citoyens simples étaient plus nombreux à rendre un dernier hommage à l'inoubliable «maquisard» de L'Opium et le Bâton. Les officiels, qui pourtant «adorent» les enterrements, étaient invisibles. Il a fallu beaucoup d'efforts pour faire passer la dépouille mortelle couverte de l'emblème national. Les espaces sont réduits entre les tombes. Il n'y a pratiquement plus de place au cimetière de Sidi M'hamed, un endroit qui semble bien tenu. A un jet de pierre de deux palmiers et d'un olivier, Larbi Zekkal a été inhumé sous le soleil chaud de septembre. Certains résistaient aux assauts de l'astre du jour, d'autres se sont mis sous l'ombre des arbres. Courte, l'oraison funèbre rappelait «le combat» de Larbi Zekkal sur les scènes du théâtre et devant les caméras. Des paroles déjà dites pour d'autres artistes disparus. De son vivant, Larbi Zekkal était peiné par la marginalisation dont il faisait l'objet depuis plusieurs années. «Lorsqu'on a besoin de vous, on vous cherche entre tapis et sol. Et lorsqu'ils n'ont plus besoin de vous, vous n'existez plus», a-t-il confié récemment à des amis. Mépris La télévision algérienne, qui a toujours le monopole de la diffusion des feuilletons et séries, s'illustre ces derniers temps par une mise à l'écart massive des artistes algériens.Ceux-ci commencent à trouver des petites places dans des productions faites en Syrie, aux Emirats arabes unis et en Tunisie. La diffusion, jusqu'à l'overdose, de caméras cachées durant le Ramadhan souligne l'existence d'une grave crise d'idées à la télévision publique et une volonté de verrouiller les expressions artistiques après avoir fermé les portes de l'information libre. Il est peut-être urgent d'ouvrir un débat – voire une enquête – sur la manière avec laquelle les productions sont commandées par l'ENTV et de quelle façon sont-elles mises à diffusion. Rachid Bouchareb a fait appel dernièrement à Larbi Zekkal pour tenir un rôle dans le long métrage Hors-la-loi. Cinéaste de grande renommée, Rachid Bouchareb connaissait parfaitement les qualités artistiques et humaines de Larbi Zekkal, comédien au long souffle. Le réalisateur tunisien Abdellatif Ben Ammar était aussi bien au fait du parcours régulier et impeccable de Larbi Zekkal. Il lui a rendu un hommage en lui confiant un rôle, petit mais intense, dans son dernier film, Les palmiers blessés, qui sortira bientôt sur les écrans en Algérie. Dans cette fiction, une coproduction algéro-tunisienne, Larbi Zekkal paraissait fatigué, mais son visage dégageait toute la chaleur d'un homme qui a l'art dans les veines. Son passage avait émerveillé les critiques lors de la projection de Les palmiers blessés, en avant-première mondiale, en juillet dernier à Carthage. Hacène Kechache et Rym Takoucht, qui ont joué dans ce film, nous ont confié avoir beaucoup appris de Larbi Zekkal. Un artiste à l'impressionnant itinéraire de soixante ans, mais qui n'a jamais fait l'objet d'un documentaire retraçant son expérience ni d'un ouvrage biographique. Pourtant, l'acteur a joué dans le seul film algérien qui a décroché la Palme d'or au Festival de Cannes, Chronique des années de braise, en 1975, et dans de longs métrages aussi célèbres que La Bataille d'Alger ou Moisson d'acier. Vendredi soir, l'ENTV, qui a consacré à peine trois minutes à un portrait de l'artiste, n'a pas jugé utile de rediffuser des films dans lesquels Larbi Zekkal a campé des rôles, ni à élaborer une émission spéciale sur l'acteur disparu. Rien. Le mépris pourchasse les artistes même après leur mort…