C'est un hasard, mais cela peut ressembler à une double offensive. Des hommes d'affaires américains et russes, chacun de leur côté, viendront chercher des opportunités de partenariat en Algérie dans les prochains jours. Au-delà des aspects attractifs du plan d'équipement public 2010-2014, adopté par le gouvernement, il y a dans la course aux affaires vers l'Algérie un signe de vouloir se placer durablement dans cette région du monde, la moins prospectée sur le plan économique. Le président de la Chambre du commerce arabo-américaine visitera, pour la première fois, l'Algérie à partir de demain. Il sera accompagné d'une cinquantaine d'hommes d'affaires américains représentant quarante compagnies. Jamais, par le passé, une délégation de cette importance ne s'est déplacée vers l'Algérie. Le 51/49 ne gêne pas Ismaïl Chikhoune, président du Conseil d'affaires algéro-américain (US-ABC), a précisé, hier sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, que les Américains sont intéressés par les secteurs des travaux publics, du bâtiment et des énergies renouvelables. «Les opérateurs économiques américains veulent avoir une idée précise sur les opportunités du marché algérien. Ils veulent trouver des partenariats pour produire localement. La règle du 51/49 ne les gêne pas. Ils sont habitués à des dispositions déjà appliquées au Moyen-Orient», a-t-il dit. Ils ne sont pas dérangés aussi par le crédit documentaire. «Les Américains travaillent toujours avec des lettres de crédit. Ce n'est pas nouveau pour eux», a ajouté Ismaïl Chikhoune. Pour accélérer le processus de positionnement sur le marché algérien, des représentants de cabinets d'affaires sont également du voyage. «Les cabinets d'affaires nous permettent d'accéder à énormément d'entreprises et dans différents secteurs. Ces cabinets font la prospection à la place de grandes compagnies et de PME également. Cela dit, il faut multiplier les visites et le dialogue», a-t-il noté. Il existe actuellement 125 entreprises américaines activant en Algérie, dont 80 travaillent dans le secteur du pétrole et du gaz. Le volume des échanges entre l'Algérie et les Etats-Unis est de 12 milliards de dollars. La valeur des investissements directs américains en Algérie s'approche des 5 milliards de dollars. Selon M. Chikhoune, les échanges algéro-américains pourraient atteindre les 17 milliards de dollars à la fin 2010. «Cela a un rapport direct avec le prix du pétrole. La baisse du prix en 2009 a fait chuter la valeur des échanges de 22 milliards de dollars en 2008 à 12 milliards de dollars en 2009. Il y aura donc une reprise en 2010», a-t-il expliqué. Délocalisation Les importations algériennes des Etats-Unis, qui étaient de 1,9 milliard de dollars en 2009, sont en baisse. Elles ne devraient pas dépasser 1 milliard de dollars à la fin 2010. La crise économique a poussé les entreprises US à adopter un programme de prospection à long terme en Afrique et en Asie. «Cela nous arrange. Nous disons à ces entreprises de trouver un partenaire local en Algérie, car il connaît mieux le marché et possède un networking. C'est une forme d'entrée pour elle. C'est une manière de transférer la technologie et le management américains vers le pays. L'Algérie est une destination attractive. Rares sont les pays qui mettent 286 milliards de dollars dans un programme de développement», a-t-il souligné. Il n'a pas écarté l'éventualité que l'Algérie devienne «une destination de délocalisation» pour les firmes US. Alger a été choisi pour abriter, début décembre 2010, la première rencontre de partenariat entre les Etats-Unis et le Maghreb. A Washington, on compte bien relancer l'idée stratégique d'avoir des relations, autant économiques que politiques, avec le Maghreb en tant qu'ensemble. A Moscou, on continue à voir l'Algérie comme le principal partenaire en Afrique du Nord. Gazprom s'intéresse à BP Le replacement envahissant de la Libye ne changera rien à cette donne. Le 6 octobre 2010, le président Dmitri Medvedev sera à Alger à la tête d'une délégation comprenant une centaine de chefs d'entreprises. Le président russe devra approfondir le travail fait par son prédécesseur Vladmir Poutine qui avait visité l'Algérie en 2006. Recevant le président Abdelaziz Bouteflila à Moscou en février 2008, Vladimir Poutine a clairement demandé à ce que les entreprises russes jouissent en Algérie des mêmes conditions que les compagnies européennes. Poutine, qui a rencontré sept fois Bouteflika à partir de 2000, a rappelé que la création à terme d'une zone de libre-échange entre l'Algérie et l'U nion européenne, en application de l'Accord d'association qui lie les deux parties, sera désavantageuse pour les entreprises russes. D'où l'importance de la visite de Medvedev. La Russie, premier fournisseur en armement de l'armée algérienne, entend «démilitariser» graduellement ses rapports avec l'Algérie. Même s'il est présidé par un général à la retraite, Kamel Abderrahim, le Conseil des hommes d'affaires algéro-russes, qui se réunira le 6 octobre prochain à Alger, devra étudier sérieusement les opportunités d'investissement. Alexandre Egorov, ambassadeur de Russie à Alger, a déclaré mercredi à la presse que son pays ne se «mêle» pas des lois appliquées par d'autres Etats. «Les opérateurs russes ont l'habitude de travailler selon les conditions des pays hôtes, l'essentiel étant de conclure des contrats intéressants», a-t-il soutenu. Sur ce plan donc, Américains et Russes sont sur la même longueur d'onde. Ils s'adaptent au «climat» d'Alger. La valeur des échanges entre la Russie et l'Algérie ne dépasse pas les 500 millions de dollars, alors que les contrats d'armement vont au-delà des 4 milliards de dollars. Les représentants des 47 entreprises, qui seront à Alger, feront une exposition, la première du genre, de leurs produits et services. Le géant Gazprom, qui a ses bureaux à Alger, montre un intérêt pour la reprise de certaines activités du groupe britannique BP en Algérie. C'est un autre indice de la volonté russe d'inscrire son action économique en Algérie dans le long terme...