Tout paiement d'un montant égal ou supérieur à 50 000 DA doit s'effectuer, à partir du mois de septembre de l'année prochaine, par chèque ou carte de paiement ou tout autre moyen de paiement scriptural. C'est ce qui a été décidé tout récemment par le gouvernement dans le but de renforcer la lutte contre l'économie informelle et l'évasion fiscale. Décidée dans le cadre des mesures visant la réhabilitation du chèque, mais aussi en application de la loi relative à la lutte contre le blanchiment d'argent, cette nouvelle mesure devrait avoir pour conséquence, selon les experts, une sensible diminution de l'utilisation des billets de banque, d'une part, et un redoublement certain des efforts déployés dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent, d'autre part. Contacté, Abderahman Benkhalfa, délégué général de l'association des banques et des établissements financiers (ABEF), pense que « l'ancrage juridique de cette disposition est la loi sur le blanchiment d'argent ». Cependant, précise-t-il, du point de vue de la communauté bancaire, « c'est un instrument qui va permettre à l'Algérie de se mettre sur le comportement universel ». Le délégué général de l'ABEF souligne que trop de liquidités sont en circulation en Algérie et qu'elles représentent une grande insécurité, nécessitant par là même une grande mobilisation d'agents affectés à la gestion de cette liquidité et à son comptage. En effet, beaucoup d'experts affirment aujourd'hui qu'« une grande masse monétaire circule en dehors du système banquier et alimente un marché truffé d'opérations douteuses ». Selon l'ABEF, cette nouvelle mesure, qui entre dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et de la réhabilitation du chèque, peut être perçue par certains comme étant une mesure contraignante. Il n'en demeure pas moins qu'elle contribuera énormément à utiliser, désormais, les instruments de paiement modernes, à savoir le chèque, le virement et la nouvelle carte bancaire, et à limiter progressivement l'utilisation des billets de banque. Les commerçants et les chefs d'entreprises et autres opérateurs économiques sont-ils en mesure de s'adapter à ce nouveau système ? Selon notre interlocuteur, les personnes concernées sont maintenant obligées d'ouvrir des comptes et pourront ainsi faire les opérations en temps réel dans des délais qui ne dépasseront pas quatre jours et d'une façon sécurisée. Mais que pense le simple commerçant appelé d'ici quelque temps à changer ses habitudes et ses rapports avec l'argent, les chèques et les banques en général ? Noureddine, un quinquagénaire rompu dans le commerce à Alger, est vendeur grossiste de produits alimentaires. Selon lui, « la grande masse monétaire qui circule en dehors du circuit bancaire est tout à fait normale, du moment que le cash s'érige depuis bien longtemps comme une loi et une règle respectée par tous ». Il est hors de question, pour lui comme pour beaucoup de commerçants, d'accepter des paiements par chèque non certifiés... et encore ! « Compte tenu des pertes qu'on a eues à cause des chèques sans provision, nous avons décidé de ne plus accepter que des chèques certifiés. Mais même les chèques certifiés peuvent être trafiqués grâce à la complicité de quelqu'un à la banque ». Un autre commerçant opérant dans la même branche pense que ce phénomène, qui ne devrait pas avoir lieu, est malheureusement encouragé par des établissements publics et des sociétés étatiques qui refusent le chèque et exigent le payement cash. « Beaucoup d'opérateurs se voient obligés d'utiliser le circuit informel que celui des banques pour la simple raison que des sociétés étatiques et des entreprises publiques refusent les chèques. Je trouve que cela n'est pas normal », avoue notre interlocuteur. Afin de mettre un terme à ce genre de pratiques, les pouvoirs publics se sont ainsi engagés dans une opération de modernisation et d'informatisation du système bancaire. Cette bancarisation devra apporter plus de sécurité et une meilleure gestion financière aux opérateurs qui préfèrent payer, non pas cash mais plutôt avec des chèques et des cartes de crédit ou bancaires. A cet effet, un nouveau dispositif visant à sécuriser les chéquiers et à en garantir la disponibilité immédiate auprès des banques devra être mis en place dès janvier prochain. Ce dispositif prévoit « l'introduction de nouveaux chéquiers sécurisés afin de garantir une plus grande efficacité dans la prévention des risques de fraude et de falsification ». Selon les responsables en charge du secteur de la réforme financière, l'Hôtel des monnaies, où sont fabriqués les billets de banque, les pièces de monnaie et certains documents officiels, « sera la seule institution qui sera chargée de la fabrication et de la personnalisation des chéquiers. Aussi, les nouvelles formules de chèques respecteront des caractéristiques de sécurité proches de celles des billets de banque, en introduisant dans la feuille du chèque un papier en filigrane et un fond du chéquier difficilement falsifiable ».