L'université de Blida est considérée comme le plus grand établissement d'enseignement supérieur à l'échelle africaine (plus de 300 hectares avec le nouveau pôle d'El Affroun). Baba Ahmed Abdelatif est son recteur depuis 2006. Enseignant universitaire depuis 1973, ce docteur en chimie nous livre, à travers cette interview, les caractéristiques et les données liées à cette rentrée universitaire, et nous informe des différentes initiatives prises par l'université de Blida pour ne plus former de futurs chômeurs. -La rentrée universitaire 2010/ 2011, ne se présente pas comme les précédentes rentrées, vu le nombre important de bacheliers enregistrés cette année. L'université de Blida est-elle en mesure d'accueillir ce flux de nouveaux étudiants ? Effectivement, nous avons pu inscrire, rien que pour cette nouvelle rentrée, 11 603 nouveaux étudiants. Le chiffre est considérable. La différence est de taille par rapport aux années précédentes. L'exemple des sciences médicales (spécialités très demandées) est à lui seul plus que révélateur. En effet, 548 nouveaux étudiants viennent d'être inscrits dans la filière médecine, contre 278 l'année dernière. Le nombre a carrément doublé en une année seulement. Le même phénomène concerne aussi la pharmacie puisque on était 105 étudiants en 2009 contre 206 cette année. On a exigé, d'une manière exceptionnelle, de ceux qui veulent faire aéronautique d'avoir 16 de moyenne et plus pour qu'ils puissent s'inscrire dans cette spécialité. On a placé la barre haute parce que la demande est importante au niveau du département d'aéronautique (il est le seul à l'échelle nationale). Tout cet engouement fait suite au nombre important de mentions «très bien» obtenues à la session de juin 2010 (5 300 à l'échelle nationale). -Qu'en est-il des sciences sociales ? Les sciences sociales et les lettres, qui sont regroupées en une seule faculté, connaissent aussi un fort engouement de la part des nouveaux bacheliers. Cela nous pousse à avoir recours à l'éclatement de cette faculté en deux facultés autonomes pour mieux gérer le flux des étudiants. 13 000 étudiants dans une seule faculté, c'est quand même énorme. L'université de Blida offre aussi des formations rares en Algérie exemple la filière «Coopération et diplomatie et gestion des collectivités locales». Ceci explique l'intérêt que portent les bacheliers pour notre établissement. En parallèle, le nombre d'étudiants diplômés sortant de notre université, cette année, avoisine les 5 000 dont 3 000 détenteurs d'une licence LMD. Toutefois, la moitié de ces derniers veulent terminer leurs études pour décrocher un Master. En tout, notre université compte 55 000 étudiants, et elle est classée, de ce fait, parmi les plus importantes du pays. Des chiffres qui font peur, mais heureusement que le pôle universitaire d'El Affroun est venu à point nommé pour soulager, un tant soit peu, notre université. D'ailleurs, une partie de ce pôle est déjà prête pour accueillir 5 000 nouveaux étudiants, à partir du 10 octobre, date coïncidant avec la rentrée officielle de l'université. Sinon, notre université serait dans l'impossibilité de répondre à la forte demande des bacheliers. L'enseignement des lettres arabes, des lettres françaises et de la sociologie sera assuré, dorénavant, au niveau de ce nouveau pôle. Cela contribuera remarquablement à éviter la pression sur l'université mère. Les travaux de réalisation des autres départements suivent leur cours. L'année prochaine, au moins 14 000 places pédagogiques seront disponibles. EIles seront destinées à la faculté de droit et des sciences économiques. Dans moins de trois ans, tout le pôle sera prêt et pourra accueillir jusqu'à 27 000 étudiants. Il aura comme vocation l'enseignement des sciences sociales et humaines. Une fois achevé, il sera appelé à être autonome, alors que l'université Saâd Dahleb de Blida se spécialisera uniquement dans les sciences médicales et exactes. La wilaya de Blida aura donc deux grands pôles universitaires qui pourront prendre en charge un nombre considérable d'étudiants et cela évitera la surcharge dans les campus universitaires. Pour cette rentrée, nous avons aussi programmé le recrutement de plus de 160 maîtres-assistants, dans différents domaines, et ce, dans le but de mieux encadrer nos étudiants. -A chaque rentrée universitaire, les responsables des universités semblent se préoccuper surtout du volet pédagogique. Mais que fait, en parallèle, votre université pour éviter de former de futurs chômeurs ? Grâce au système LMD (il a été généralisé à toutes les spécialités à Blida, à l'exception des sciences médicales), nous essayons de former selon les besoins exprimés par les industriels et les opérateurs économiques, entre autres. On ne cesse d'ailleurs de vulgariser les avantages de ce système à nos étudiants parce qu'il répond au mieux aux exigences du monde du travail. Nous avons, dans ce sens, établi une convention avec le Club des entrepreneurs et industriels (CEIMI) de Blida pour voir quels sont les besoins des sociétés adhérentes à cette organisation patronale en matière de cadres et de techniciens qualifiés afin de former utile. A titre d'exemple, un important fabricant de produits cosmétiques nous a sollicités dans le but de former des universitaires qui maîtrisent ce domaine. Il nous a même orientés sur les modules qui sont indispensables dans ce créneau afin qu'ils soient enseignés chez nous. Et c'est à partir de là que nous avons lancé la première licence en cosmétologie. Une fois le diplôme en main, les étudiants sortants auront donc beaucoup de chances pour décrocher un emploi, car la demande est pressante dans un créneau d'avenir. Nous avons concrétisé aussi une convention avec un grand meunier à Blida afin de rouvrir l'ancienne école des meuniers qui appartenait à l'ex-Sempac. Une licence professionnelle (LMD) en meunerie y sera assurée, et ce, dans le but de former solidement des jeunes qui maîtrisent l'industrie meunière. Il ne faut pas oublier que la main-d'œuvre qualifiée, dans ce domaine, est rare alors qu'il y a plus de 250 meuniers, à l'échelle nationale, qui demeurent de potentiels recruteurs de ces spécialistes. Pour ce qui est de nos futurs projets, nous comptons lancer une nouvelle licence professionnelle en développement électronique et mécanique. Nous visons, à travers cette nouvelle spécialité, la formation de jeunes capables de fabriquer localement des machines industrielles. Cette initiative n'est pas fortuite car elle est venue en réponse à nos partenaires (industriels) qui veulent que leurs équipements soient fabriqués en Algérie et par des personnes qui maîtriseront, par la suite, leur maintenance. Cela leur évitera, à coup sûr, des dépenses en plus, tout en optimisant leur investissement. Travailler donc en étroite collaboration avec le secteur économique et mener un travail de prospection sur le terrain, c'est augmenter les chances de trouver un emploi pour nos futurs diplômés. Et cela demeure le but initial de chaque université. Toutefois, notre pays manque d'un observatoire de l'emploi pour qu'on puisse connaître, chiffres à l'appui, le sort de nos anciens étudiants et établir des bilans justes pour nos différentes actions.