Sitôt son couronnement annoncé par les médias, le prix Nobel de littérature pour l'année 2010, Mario Vargas Llosa, a rendu hommage, à partir de New-York où il se trouvait, à l'Espagne, à l'Amérique latine et à tous les pays évoluant au sein de la culture hispanique. Réaction somme toute naturelle de ce romancier qui a été l'un de ceux qui ont donné à la langue espagnole ses titres de noblesse dans le sous-continent américain. Romancier et politicien de grande culture, LLosa qui possède aussi le français et l'anglais, a fait ses classes dans la langue espagnole à l'instar du Colombien Gabriel Garcia Marquez, de l'Argentin Jorges Luis Borges (1899-1986), du Mexicain Carlos Fuentes, du Cubain Alejo Carpentier (1904-1980), et de tant d'autres grands écrivains qui ont permis à la littérature sud-américaine de voler de ses propres ailes. Chez nous, en Algérie, il a été question, depuis le début des années quatre-vingt, de quelques écrivains nobélisables : Kateb Yacine, Mohamed Dib, ensuite, Assia Djebbar, membre de l'Académie française. Il y a lieu de reconnaître que ces grands noms de la littérature algérienne pouvaient prétendre à juste titre au prix Nobel de littérature. Toutefois, dans quelle langue pouvaient-ils justement entrer en lice ? En arabe, en berbère ou en français ? On a vu jusqu'à présent des écrivains, non espagnols et vivant en dehors de l'Espagne mais de langue espagnole se voir couronnés de ce prix prestigieux. De même qu'on a vu des écrivains de langue anglaise obtenir une telle consécration littéraire sans avoir d'autre attache avec l'Angleterre ou l'Amérique que celle de la langue. S'agissant de la langue française, aucun auteur dans cette langue, en dehors de l'hexagone, n'a eu la chance d'arriver au Nobel. Est-ce à dire que la France, en dépit de sa présence dans certaines parties du monde, n'est pas arrivée à suivre le même chemin emprunté par ses voisins occidentaux ? Chemin de souplesse et d'ouverture, cela s'entend ! Il reste un autre versant qu'il faut bien considérer, celui de l'appartenance politique. Le grand poète Syro-libanais, Adonis, n'a cessé ces dernières années de faire, malgré lui, antichambre aux cotés de certains autres nobélisables de mérite, tels Carlos Fuentes, Ismail Kadaré ou Yechar Kemal. Or, il se trouve que le monde arabe n'a rien à monnayer pour le moment. Cela fait plus de trente ans qu'il a accorde des concessions énormes, au détriment de son identité et de ses propres espérances, dans la ligne des accords de Camp David, et il est apparemment exclu que l'ange Nobel regarde de son côté. Aussi l'accession de Naguib Mahfouz sur l'Olympe de la littérature, paraît bien comme une parenthèse inespérée, en tout cas une parenthèse. Il est toutefois toujours permis d'espérer, sans aller grossir l'effectif d'une langue qui ne peut pas ou qui ne veut pas rendre nobélisable un écrivain francophone en dehors de la France. Certes oui, sur le terrain, la question linguistique n'est pas encore tranchée chez nous, quand bien même la Constitution est claire sur ce point. Par conséquent, le Nobel de littérature, s'il devrait être attribué un jour à un écrivain algérien, eh bien, ce serait pour avoir écrit en arabe ou en berbère. Cessons donc toute gesticulation. [email protected]