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La Mauritanie veut conjuguer dialogue national et offensive militaire Le pays prépare sa stratégie de lutte contre les terroristes d'Al Qaîda au Maghreb islamique
Le gouvernement mauritanien change de stratégie à l'égard d'AQMI : un nouveau plan prévoit de bouter les terroristes hors du territoire national. Nouakchott (Mauritanie) De notre envoyé spécial Le décor est planté depuis plusieurs années. Il devient même coutumier pour les habitants de la capitale mauritanienne, Nouakchott. Devant les hôtels fréquentés par les étrangers, à proximité des ambassades et à l'entrée des institutions du pays, la sécurité est extrêmement renforcée. Des policiers et des militaires armés assurent en permanence la surveillance de ces lieux. Ils ne laissent rien au hasard : pas de stationnement devant les hôtels et les édifices publics pour les taxis, vérification systématique des véhicules et de l'identité des chauffeurs à chaque fois qu'ils passent dans les rues, sombres et désertes, où sont dressés les barrages de police.Nouakchott n'est pas Kaboul ou Baghdad. Mais les attaques terroristes et les enlèvements d'étrangers enregistrés depuis 2005 ont fini par bouleverser les habitudes de ce pays, qui, estiment ses habitués, était calme et paisible, et dont la population pratique un Islam tolérant. Aujourd'hui, la donne a changé. Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) est passée par là. La Mauritanie est à la croisée des chemins. Pays n'ayant, jusque-là, qu'une présence médiatique insignifiante, il est, depuis quelques années, sous les feux de la rampe. A peine sorti de l'instabilité politique engendrée par une multitude de putschs, dont le dernier en date remonte à 2008, le pays est entraîné «malgré lui», comme l'affirment ses dirigeants, dans la spirale du terrorisme. «La menace terroriste nous vient de l'extérieur», affirment les responsables du gouvernement mauritanien et des chefs de partis politiques que nous avons rencontrés à Nouakchott durant la dernière semaine du mois d'octobre dernier. Certes, Al Qaîda est une organisation terroriste internationale. Mais l'islamisme radical en Mauritanie existe bel et bien. Il a même connu une période d'ascension. Et la majorité des attaques kamikazes commises à Nouakchott sont l'œuvre de Mauritaniens affiliés à Al Qaîda. Comment faire face à cet «ennemi extérieur» ? Rupture diplomatique avec Israël Les autorités mauritaniennes ont réagi à la menace d'Al Qaîda par l'élimination des facteurs ayant favorisé l'intrusion de cette organisation terroriste dans la société mauritanienne, pour inciter les jeunes à la désobéissance et au «jihad» contre les «impies». Le premier facteur est la normalisation avec Israël et l'ouverture d'une représentation diplomatique de ce pays à Nouakchott. En effet, la Mauritanie est l'un des rares pays arabes à avoir des relations diplomatiques avec «l'ennemi sioniste». «Cette situation a été exploitée par les terroristes pour recruter des jeunes Mauritaniens. On leur a expliqué que l'objectif est de lutter contre l'ennemi qui opprime les frères palestiniens. On leur a fait croire également qu'en contrepartie ils auront le droit au paradis», expliquent les représentants de la classe politique mauritanienne. Le deuxième facteur est l'arrestation, par le pouvoir mauritanien, des islamistes et «des oulémas». Dans ce pays où la religion occupe une place importante dans la vie quotidienne de la population locale, l'arrestation des oulémas était perçue comme «une agression» et un «abus de pouvoir».Comme pour donner des gages de «sa bonne volonté», le nouveau régime de Nouakchott procède à l'élimination de ces deux facteurs. Le pouvoir de Mohamed Ould Abdelaziz, président mauritanien, a rompu les relations avec Israël et fermé l'ambassade de ce pays à Nouakchott. Il a également libéré quelques islamistes. «Sur les 75 personnes arrêtées au début du phénomène du terrorisme en Mauritanie, 35 ont été libérées ; parmi elles, il y a même des jeunes recrutés par les réseaux terroristes», explique un journaliste mauritanien. «Des jeunes égarés» En plus de ces actions, le gouvernement mauritanien tente de sensibiliser sa population contre le phénomène. Pour cela, il veut impliquer toutes les composantes de la société ; il a, à cet effet, organisé, du 24 au 28 octobre dernier, un débat national sur le terrorisme et l'extrémisme. Un débat durant lequel les participants ont mis l'accent sur le danger du terrorisme, tout en niant la montée de l'extrémisme dans le pays. «Ce phénomène est étranger à la société mauritanienne. Il n'y a pas une montée de l'islamisme dans le pays, mais seulement quelques jeunes égarés qui ont été induits en erreur par les intégristes», estime Mohamed Yahya Ould Horma, vice-président du Parti de l'Union pour la République (UPR). Mais pourquoi ces jeunes sont-ils aussi facilement recrutés ? N'y a-t-il pas de facteurs endogènes qui favorisent l'endoctrinement de la société mauritanienne ? Si ! rétorque la classe politique mauritanienne. Et parmi ces facteurs, il y a le chômage des jeunes. Le pays compte aujourd'hui, selon les dernières statistiques officielles, 33% de chômeurs. Un taux trop élevé pour un pays qui compte à peine 3 millions d'habitants. «C'est impératif ! Il faut lutter contre le chômage des jeunes. La création de postes d'emploi permet de réduire l'ampleur de la pauvreté en Mauritanie», souligne la majorité des responsables politiques. Outre la lutte contre le chômage, les Mauritaniens insistent également sur un aspect important : la réforme du système éducatif. Ils sont convaincus que sans une école prospère qui donne aux futurs élèves les outils qui les aideraient à distinguer le bon grain de l'ivraie, la société mauritanienne restera exposée à tous les dangers.Mais, pour le moment, les facteurs sociaux favorisant la montée de l'islamisme existent, et ils sont même bien entretenus dans le pays. Les signes ne trompent pas. Profitant de la faiblesse de l'Etat, les islamistes ont commencé à tisser leur toile au sein de la société. Ils ont même réussi à gagner la sympathie de dizaines de jeunes, dont une partie a même intégré des réseaux terroristes dans le pays. Certains d'entre eux ont été arrêtés, et ils n'ont été graciés que récemment.