Les députés du RCD étaient tous présents, hier, à l'Assemblée pour prendre part au débat autour du projet de loi relatif à la cinématographie présenté par la ministre de la Culture, Khalida Toumi. Dans sa plaidoirie, la ministre a dressé un état des lieux alarmant sur la situation du cinéma en Algérie. Notre pays produit peu de films, 10 à 15 annuellement. «C'est très maigre», s'est exclamée la ministre. «Seul en 2007, à l'occasion d'‘Alger, capitale de la culture arabe', il y a eu la production de 84 films et pour ‘Tlemcen, capitale islamique', il y aura 60 nouveaux films», a soutenu Mme Toumi. Le réseau des salles de cinéma est en majorité inexploitable. Le parc qui atteignait 473 salles à l'indépendance a subi les glissements de la réglementation de 1967, qui a concédé ces espaces aux collectivités locales. Cette situation a engendré la fermeture de la majorité des salles : «300 salles de cinéma ont été fermées. Etant sous la coupe des collectivités, nous voulons restituer ces salles, pas dans le but de les gérer mais de les restaurer. Nous avons récupéré pour l'heure 48 salles des APC», a regretté la ministre face aux députés qui déplorent également l'installation d'appareils de projection vidéo dans la plupart des salles encore existantes et le détournement des enceintes au profit d'autres activités, sans omettre la fraude sur la billetterie et le non-respect de la réglementation, notamment en matière de normes de contenu. De l'avis de Mme Toumi, le cinéma algérien a réussi à s'imposer sur la scène nationale et même internationale, durant les années 1960 et 1970 où il a obtenu, notamment, la Palme d'or du prestigieux Festival de Cannes, en 1975, faisant ainsi de l'Algérie, encore aujourd'hui, le seul pays arabe et africain à qui elle a été décernée. Après cette période, Mme Toumi reconnaît que le cinéma algérien a connu une régression qui a vu se détériorer l'ensemble de ses indicateurs. Les réajustements structurels qu'a connus notre pays durant la décennie 1990 ont, explique l'invitée de la Chambre basse, imposé un désengagement total et brutal de l'Etat, unique source de financement de l'industrie cinématographique depuis l'indépendance, de ce secteur d'activité. Ceci s'est soldé par la dissolution, en 1997, des trois entreprises publiques qui assuraient les activités cinématographiques. L'absence de leviers d'intervention de l'Etat dans les différentes sphères commerciales, industrielles et de régulation du cinéma et le manque d'intérêt de l'investissement privé pour ce domaine d'activité, peu lucratif à l'heure actuelle, ont causé le déclin de ce secteur. Dans le même temps, les ressources générées par la redevance prélevée sur la billetterie, destinées à alimenter le FDTIC, demeurent le seul levier de soutien à la cinématographie. Dans son intervention, la ministre de la Culture a imputé cette situation catastrophique du cinéma algérien à l'obsolescence des textes juridiques en vigueur. Les critiques des députés En effet, l'ordonnance n°67-52 du 17 mars 1967, modifiée et complétée, qui régit à ce jour le cinéma, a été promulguée dans le contexte des nationalisations de la fin des années 1960 et s'avère aujourd'hui inadaptée aux multiples évolutions économiques et institutionnelles qu'a connues le pays : «Nous avons évalué le contenu de l'ordonnance de 1967, il s'est avéré que sur les 67 articles 38 sont dépassés par le temps, 22 sont à actualiser, 12 ont été supprimés. A partir de là, nous avons jugé plus que nécessaire d'élaborer une nouvelle loi traduisant une nouvelle vision du rôle et des missions de l'ensemble des opérateurs, dans l'effort de relance de la cinématographie», a fait remarquer MmeToumi, qui note que le projet en question a pour objet de fixer les règles générales relatives à l'activité cinématographique, à son exploitation et sa promotion. Lors des débats, les députés du RCD ont beaucoup insisté sur l'article 5 qui stipule que la production des films relatifs à la guerre de Libération nationale et à ses symboles est soumise à l'approbation préalable du gouvernement. «Nous ne comprenons pas pourquoi veut-on contrôler les films ayant trait à la Révolution. Il s'agit là d'une censure, aucun gouvernement n'octroie une autorisation pour la réalisation d'un film sur la révolution», a soutenu M. Belabes. Pour sa part, Mazouz Athmane du même parti a indiqué que «ce projet de loi vise davantage à renforcer le contrôle du ministère de la Culture, plutôt qu'à réunir les conditions d'une véritable relance de la production cinématographique nationale. A la lecture du projet, on n'entrevoit aucune volonté réelle d'aider à l'émergence d'un cinéma national, dynamique et compétitif». Des députés du FLN sont revenus sur l'article 9 qui stipule que toute personne exerçant une activité cinématographique doit être titulaire d'une carte professionnelle. «Un artiste n'est pas un fonctionnaire, donc nous ne comprenons pas l'objectif d'une telle carte», a fait remarquer un député FLN. Un représentant du RND a demandé l'ouverture du champ cinématographique au privé alors que d'autres ont insisté sur une production de qualité. «Il y a eu la réalisation d'un film sur Djamila Bouhired et on a donné le rôle principal à une actrice égyptienne. Ce n'est pas normal. Nous voulons aussi des explications sur les danseurs du Ballet national algérien qui ont pris la fuite», a lancé M. Aït Hamouda du RCD.