Avec l'entrée en force des Algériens dans la consommation de masse, qui s'est faite graduellement depuis que le pays a basculé dans l'économie de marché, et devant la complexité des produits et services qui envahissent la vie des citoyens, le législateur, après une longue attente, est finalement intervenu pour instaurer des règles protectrices en direction des consommateurs et combattre le déséquilibre contractuel qui peut s'installer à l'avantage de l'offreur du bien ou du service et au détriment du demandeur. Du coup, la situation sera assainie et la fonction commerciale réhabilitée. Ce qui suppose une éradication de l'informel et le retour aux saines pratiques commerciales avec contrat et facture. Le texte qui consacre cette avancée salvatrice dans la relation client-fournisseur est la loi n°04-02 du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales. Ce texte d'une importance capitale pour l'exercice de l'activité commerciale en Algérie est presque passé inaperçu n'était les comptes rendus de presse au moment du passage de la loi devant le Parlement. Et pourtant, il constitue un précieux instrument entre les mains du consommateur pour défendre sa cause face à toute sorte d'arnaque et de déséquilibre contractuel. En effet, très souvent et de plus en plus, le consommateur se voit soumettre des contrats types destinés à régir ses relations avec un professionnel (location et promotion immobilières, téléphonie mobile, police d'assurances, service bancaire, formation, séjour hôtelier, etc.). Dans toutes ces situations qui ne sont pas exhaustives, le consommateur a rarement l'occasion de négocier les clauses de son contrat dont certaines peuvent présenter un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. De telles clauses sont considérées comme abusives. Elles sont réputées nulles et non écrites. La clause abusive est définie par la loi comme toute clause ou condition qui à elle seule ou combinée avec une ou plusieurs autres clauses ou conditions crée un déséquilibre manifeste entre les droits et les obligations des parties au contrat. Pour déterminer si une clause est abusive ou non, il existe une liste donnée par la loi qui n'est pas limitative. Huit cas sont ainsi énumérés qui peuvent conduire à déclarer la clause abusive. Le point nodal qui a guidé le législateur à énumérer ces cas réside dans le souci de rétablir à chaque fois l'équilibre entre l'acheteur et le vendeur. Ainsi, des principes comme celui de la protection du consommateur contre l'arbitraire du professionnel qui décide de modifier par exemple unilatéralement le contrat ou s'exonérant d'une éventuelle responsabilité ou encore d'interdire tout recours trouvent à s'appliquer pleinement dans toutes les situations où une relation commerciale de quelque type que ce soit se noue entre deux parties. Le champ d'application de ces clauses abusives concerne toutes les activités de production, de distribution et de services exercées par tout agent économique quelle que soit sa nature juridique. Seule un juge peut, après examen de la clause, estimer si celle-ci est abusive ou non. En d'autres termes, c'est bien le juge et non la loi qui peut constater le caractère abusive d'une clause. Bien que notre jurisprudence sous toute réserve n'a pas encore fournie d'exemple en la matière, on peut, en faisant du droit comparé, présenter quelques cas qui éclaireront mieux le lecteur sur cette problématique des clauses abusives. Il a été ainsi décidé que constitue une clause abusive celle qui oblige au paiement dans son entier une année scolaire à peine commencée ou celle qui impose le paiement intégral des frais de scolarité même en cas de force majeure. En matière immobilière par exemple, il a été déclaré comme clause abusive, la clause insérée dans un contrat de location qui fait supporter au preneur la totalité des risques de perte ou détérioration de la chose louée même en cas de force majeure dans un contrat de location de longue durée. Pour la téléphonie mobile, la clause qui impose le prélèvement automatique sur compte bancaire comme unique moyen de paiement s'apparente à une clause abusive. Bien que ce cas de figure n'est pas encore imposée chez nous, il peut néanmoins renseigner sur la nature et le degré de protection que préconise le législateur pour veiller sur les équilibres entre les faibles et les puissants. Dans un tout autre domaine, la clause qui prévoit une augmentation discrétionnaire des primes dans le cadre d'un contrat d'assurance chômage complémentaire à un contrat de crédit est considérée comme abusive. Il est certain que la vie courante des Algériens foisonne d'exemples de ce types ou d'autres, mais c'est au consommateur de réagir contre de telles pratiques. Avec le développement de la grande distribution privée et ce qu'elle charrie comme activités, ainsi que la multiplication des vendeurs de services, il faut s'attendre à une inflation de clauses abusives. Et c'est là où les associations de consommateurs, si elles existent, ont un rôle à jouer aux côtés des pouvoirs publics qui gagneraient à créer un observatoire des pratiques commerciales.