Des notes diplomatiques révélées hier par WikiLeaks font état de discussions et d'appréciations des ambassadeurs américain et français en poste à Alger. Troisième mandat, corruption et scandale Sonatrach : des proches du président et un haut gradé de l'ANP sont nommément cités. Robert S. Ford : «Nous voyons un gouvernement à la dérive, qui tâtonne à aller de l'avant.» L'ancien ambassadeur américain à Alger, Robert S. Ford, s'est entretenu le 23 janvier 2008 avec son homologue français, Bernard Bajolet. De cette discussion émane une note diplomatique de Ford, datée du 25 janvier 2008, dans laquelle il explique la position française au sujet du troisième mandat de Bouteflika. Il souligne que pour les Français, «l'Algérie s'achemine vers plus d'instabilité mais il n'existe pas d'alternative à Bouteflika». Une position française émise 15 mois avant l'élection en 2009 de Bouteflika pour un troisième mandat. Dans la note de Ford, il est aussi indiqué que M. Bajolet, qui a eu à connaître l'Algérie en 1980, a soutenu que la priorité de la France en Algérie concerne «la stabilité et la croissance économique». Dans le tableau qu'il brosse de l'Algérie, l'ex-ambassadeur français, aujourd'hui coordinateur des services de renseignement français à l'Elysée, cite les failles du système politique algérien. Il évoque tout d'abord «l'incapacité des municipalités à répondre aux besoins au niveau local». «Une sorte d'immobilisme touche le gouvernement algérien qui n'arrive pas à prendre les décisions difficiles.» «Les partis politiques ont peu d'espace et semblent prêts à faire des concessions à court terme, quitte à perdre à long terme.» «L'intérêt du peuple pour la chose politique a fortement diminué, comme le démontrent les élections de 2007.» «Le climat des affaires est très difficile et ne s'améliore pas, alors que l'investissement et l'emploi diminuent.» Robert S. Ford fait remarquer dans sa note que M. Bajolet a parlé d'un «livre blanc» qu'une association d'hommes d'affaires français aurait préparé au sujet des problèmes qu'ils rencontrent en Algérie. Selon M. Bajolet, l'ancien ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, ainsi que le gouvernement algérien étaient inquiets de voir ce livre rendu public. Autre point soulevé par M. Bajolet dans sa liste sur la situation économique et politique de l'Algérie, la corruption, et affirme que «son chemin mène vers les frères de Bouteflika et a atteint un autre niveau, puisqu'elle interfère dans l'économie et le développement». Revenant sur l'élection présidentielle, M. Bajolet indique que la haute hiérarchie militaire a donné son accord à un troisième mandat pour Bouteflika et précise que le deal pour ce troisième mandat a été obtenu car l'armée «est convaincue qu'il n'ira pas au bout de ce mandat à cause de son problème de santé». A cela M. Bajolet ajoute que «la santé de Bouteflika s'est améliorée et il peut encore vivre plusieurs années». L'ex-ambassadeur français, précise le câble de WikiLeaks, affirmait aussi que la relation entre Bouteflika et l'armée demeure «délicate». Et d'ajouter que «les Français ont conclu que ce sont les services qui ont actionné le ministre des Moudjahidine, Cherif Abbès, pour critiquer Sarkozy à la veille de sa visite en Algérie, et ce, pour embarrasser Bouteflika». Bernard Bajolet ajoute encore que les Français «sont extrêmement prudents sur ce qu'ils disent aux Algériens au sujet du changement de la Constitution…». Et de noter que «les Français ne voient pas d'éventuel successeur à Bouteflika… L'ancien Premier ministre, Mouloud Hamrouche, parle de réformes, mais on ne sait pas s'il ira jusqu'au bout de son programme. Ahmed Ouyahia est un autre apparatchik et a peu de popularité dans le pays», estime M. Bajolet en concluant que «sans successeurs véritables, aller contre Bouteflika pourrait ouvrir d'autres sources d'instabilité. La France a décidé que le meilleur message à transmettre concernant cette élection est celui de la neutralité». En guise de commentaire, Robert S. Ford souligne que «Bajolet pense qu'il ne faut pas user de pressions extérieures pour empêcher le troisième mandat de Bouteflika, sinon cela risque de compliquer le travail avec l'Algérie. Il estime aussi que les perspectives, que ce soit pour le moyen et le long termes, ne sont pas bonnes à moins que le gouvernement commence vraiment à stabiliser les systèmes politique et économique».