La plupart des managers des entreprises publiques et privées s'apprêtent à accueillir des consultants, des bureaux d'études ou préparer en interne des équipes de diagnostics approfondis. Après les décisions d'assainir de nombreuses entreprises du secteur public et mettre à niveau vingt mille PME/PMI les cinq prochaines années, des rapports approfondis sur la situation de chaque entreprise devraient être fournis pour préparer les grandes décisions. Le but de cet écrit serait de participer au débat qui entoure la question des diagnostics et des grandes orientations. Comment savoir si un diagnostic a été bien mené ? Quels doivent être les repères des managers pour porter un jugement efficace sur le travail accompli ? Nous disposons d'un certain nombre de directives, de principes ou d'orientations générales qui peuvent nous fournir des opinions sur la qualité des études réalisées. Attitudes face aux diagnostics On peut mesurer la maturité et souvent l'efficacité des managers par leur attitude face aux activités de diagnostic interne et externe. Un manager peu mûr les considère comme une intrusion dans des activités qui lui sont réservées. Il a géré pendant longtemps. Il pense qu'il connaît pratiquement l'ensemble des forces et des faiblesses de son entreprise dans tous ses compartiments. Ce serait l'environnement externe ou les innombrables injonctions qui l'empêcheraient de prendre des décisions salutaires. Nul ne peut nier l'existence de ces embûches. Mais interrogeons l'histoire des affaires. Qu'est-ce qu'elle nous enseigne ? Tout simplement que les meilleurs managers et les entreprises de classe mondiale ont été des modèles de modestie. Les plus grandes entreprises internationales - asiatiques, européennes et américaines - se font un honneur de se faire diagnostiquer annuellement par des spécialistes indépendants pour s'améliorer. Nulle entreprise ne peut se targuer d'avoir atteint un degré de perfection tel qu'elle n'a pas besoin de se faire diagnostiquer. On peut même parler de corrélation inverse. Plus une entreprise est performante, plus elle est favorable aux diagnostics externes et aux concertations intenses internes, dans le but de s'améliorer. Jacques Welch, président de la General Electric, considéré longtemps comme l'un des tout premiers managers au monde, nous révèle son attitude face aux diagnostics (Jack Welch «Ma vie de Patron»). Il ne rate aucune occasion pour profiter des idées de l'ensemble des membres de l'entreprise et des ressources humaines externes. Pourtant ! La GE dispose d'un des centres de formation et de recherche en gestion, parmi les plus évolués au monde. Il a participé à la conception d'outils très perfectionnés en management (système PIMS, et la matrice GE Mc Kinze). Au cours d'un échange avec des stagiaires militaires, un colonel de l'armée US lui a suggéré une idée : changer une politique stratégique pour permettre le développement d'activités où GE ne figure pas parmi les trois leaders du marché. Cette idée avait permis à l'entreprise d'améliorer son chiffre d'affaires de plus de 30 milliards de dollars par an. Quelle est l'entreprise algérienne qui écoute des stagiaires ? Les bibliothèques de nos universités sont pleines de mémoires de magistère ou des thèses de doctorat qui contiennent parfois des idées très intéressantes. Il est vrai que beaucoup recèlent des lacunes. Mais les managers doivent savoir faire le tri. Une seule bonne idée dans une thèse peut améliorer quelque part les performances de l'entreprise. Certes, il n'a pas le temps d'être au courant de tout. Mais l'information étant un facteur-clé du succès universel, quelqu'un dans l'entreprise devrait être chargé d'une telle mission. Il faut toujours se méfier du manager qui vous dit qu'il est au courant de tout et qu'il n'a pas besoin de diagnostics. Le management est une activité humaine qui demeure éternellement perfectible et l'efficacité absolue ne sera jamais atteinte nulle part. Les Repères du Manager Nous avons évoqué l'état d'esprit des meilleurs managers face à la réalité des diagnostics. S'il n'est pas convaincu de la pertinence de l'opération, alors on dépensera beaucoup d'argent pour rien. Le problème est perceptible lors de l'exécution des plans de formation de mise à niveau. On envoie des collaborateurs de tous les niveaux, sauf le premier responsable. Il considère de par son statut et sa position qu'il peut s'en dispenser. Il envoie un mauvais signal à l'ensemble de ses membres. Les meilleurs managers au monde se forment plus que leurs collaborateurs et sont fiers de le faire savoir. Ils sont modestes, mais ambitieux. Ils envoient les meilleurs signaux à leurs collaborateurs. Les formateurs doivent se recycler davantage. Nul ne peut respirer la science en marchant. Il faut bien que l'on sache que tous les membres de la société à tous les niveaux doivent perpétuellement se perfectionner pour s'améliorer afin de progresser. Un manager prêt à s'y conformer et à dialoguer avec les équipes de diagnostic ; voilà ce qu'il faut chercher comme ressources gestionnaires pour construire les entreprises algériennes compétitives de demain. Un tel manager doit également disposer de repères pour dissocier les diagnostics efficaces des travaux d'amateurs. Dans une profession en voie de constitution, on a toujours le phénomène inévitable que l'on connaît actuellement. Nous avons en Algérie d'excellents consultants et bureaux d'études nationaux et internationaux capables d'amener un plus aux entreprises algériennes. Mais nous avons également beaucoup d'amateurs dans le domaine. Il est souvent difficile de faire la part des choses. Le marché mettra du temps pour opérer le tri normal par le truchement du jeu de l'offre et de la demande. On peut accélérer le processus par des labellisations, des normes techniques ou des agréments en fonction de critères précis. Chaque alternative a ses avantages et ses inconvénients. Mais en attendant, chaque manager devra se faire une opinion en fonction de ses constatations. En premier lieu, un consultant efficace viendra diagnostiquer l'entreprise avec une «chek list» prédéterminée. 90% des paramètres à vérifier sur le terrain doivent être identifiés préalablement, en fonction des données du cahier des charges. Si un consultant s'amène chez vous sans une check list (qui peut être très partiellement amendée par rapport au réel) et travaille longtemps sans cet outil, il y aurait de fortes chances qu'il est encore en train d'apprendre son métier. Nous avons là une première indication, mais pas un jugement définitif sur le consultant. Le second point concerne la participation et la restitution. Un consultant efficace sait qu'au moins 80% des solutions aux problèmes des entreprises existent et sont connues des managers internes. Il travaille avec l'ensemble des membres de l'entreprise, surtout les ressources-clés qu'il détecte, pour la phase diagnostic. Avant de finaliser son travail, un rapport préliminaire sera transmis au plus grand nombre de membres possibles pour analyse, critiques et améliorations. Si un consultant travaille seul, il faut s'en méfier. D'ailleurs, ses propositions seront vite remises en cause par les membres de l'entreprise. Le diagnostic final approfondi doit fournir de précieux renseignements non seulement sur les forces et les faiblesses actuelles de l'entreprise –chose que la plupart des bureaux d'études font –, mais surtout sur le potentiel d'amélioration, le gisement des progrès possibles, mais non exploités actuellement, car c'est cette piste qui permettra à l'entreprise de progresser. Je ne ferai pas intrusion dans les débats techniques sur les points de détail du genre est-ce qu'il doit donner le maximum de précisions sur les mesures d'amélioration telles que les coûts, délais, personnes responsables, etc. Là, nous avons des avis différents sur la question. Par ailleurs, de nos jours, le management d'une entreprise devient surtout un exercice comparatif. On ne peut pas se juger soi-même en fonction de son évolution propre. Nous sommes efficaces ou pas par rapport à la compétition. Si je m'améliore de 5% et la concurrence de 10%, je suis en danger stratégique. D'où, la conclusion du diagnostic doit être comparative ; par rapport à mes concurrents nationaux et internationaux. On doit pouvoir m'annoncer une des trois décisions : 1. Il est très probable que mon entreprise soit compétitive dans le futur 2. Mon entreprise n'a aucune chance d'avoir une place sur le marché 3. Mon entreprise ne peut être compétitive que sous telle et telle condition.
Conclusion : Nous avons évoqué un échantillon de critères pour évaluer la qualité des diagnostics qui seront réalisés au profit des entreprises dont il faut améliorer la compétitivité. Nous ne pouvons pas être exhaustifs à cet égard. Nous avons fait un tri parmi une panoplie d'indicateurs d'efficacité des diagnostics. Ces derniers doivent être considérés comme une bonne nouvelle par tout manager efficace et modeste. Mais il doit être vigilant pour que toutes les richesses humaines dont il dispose participent à l'exercice, se sentent responsables, contribuent et réalisent les recommandations des diagnostics. Autrement, ces derniers deviendront des procédures bureaucratiques, coûteuses, inefficaces et parfois même générateurs de plus grandes complications que celles qui existent actuellement.