Le monde n'est pas sorti de la crise en 2010. Le monde des riches surtout. L'incendie a été maîtrisé dans l'industrie financière en 2008 et 2009. Mais la fumée est passée dans les budgets des Etats. Et les spéculateurs soufflent sur les braises. La dette grecque est devenue non finançable, puis celle de l'Irlande. Cette semaine, le Portugal passe la barre des 100 milliards de dollars de dette souveraine, et devra payer des intérêts de plus en plus hauts pour la financer. Les gouvernements ont couru au secours des banques. Ils ont pris un retour de flamme. Que le fonds commun européen d'assistance aux pays membres en difficulté a, du haut de ses 1000 milliards d'euros, de plus en plus de peine à contenir. La banqueroute guette les Etats. 2010 est une année de renversement. Les plans de soutien à l'activité pour empêcher les financements de disparaître deviennent partout des plans d'austérité. La France a connu un mois de guerre sociale autour des retraites, l'Angleterre a vécu des batailles de rue sans précédent contre la réforme de l'enseignement universitaire et Rome termine l'année assiégée par les étudiants. Les Etats les plus riches ne sont plus en situation de maintenir leur niveau de dépenses publiques. La capacité de s'endetter fait défaut. En 2010, fait sans précédent, l'avenir de la signature du Trésor américain fait débat. Et si les Etats-Unis ne pouvaient plus rembourser leur dette vis-à-vis du reste du monde ? En fait, ils ne le peuvent pas. Mais ne s'attendent pas à ce que leurs créanciers déboulent tous en même temps pour rendre leurs bons du Trésor. Ils sont encore l'Amérique. Et ont mieux à vendre que des îles, comme la Grèce, en cas de défaut de paiement. 2010 est aussi l'année où le G20 est heureux de constater que la croissance est à nouveau vigoureuse chez ses membres dits émergents. Heureux, car la Chine est, autant que le FMI, le recours ultime des ministres des Finances en manque de liquidités pour boucler leur budget. Hu Jintao a circulé en Europe du Sud pour promettre d'acheter encore des titres émis par les Etats en apoplexie. Barack Obama ne peut pas se le permettre. Il est lui-même dans la même position vis-à-vis des excédents financiers chinois. Il en a vitalement besoin. Les Etats ont sauvé le système bancaire et le pré-carré des grandes entreprises les plus imbriquées avec lui : au prix de la cohésion sociale de leurs nations. C'est aujourd'hui une évidence. Pourtant, le point de vue demeure dominant selon lequel il n'y avait rien d'autres à faire. Que d'avancer les capitaux pour que d'autres Lehman Brothers ne tombent pas toutes les semaines. Et avec elle toute l'économie mondiale. Certes, mais la contrepartie attendue n'est pas là. La régulation du système n'avance qu'à petits pas. Les agences de notation qui ont baissé la note du Portugal cette semaine, rendant plus cher de fait le refinancement de sa dette, échappent toujours à la régulation recherchée par les politiques depuis l'avènement des subprimes. Elles étaient bien plus complaisantes, engoncées le plus souvent dans le conflit d'intérêt, lorsqu'il s'agissait de prévenir de la bonne santé des institutions financières privées. La majorité des banques américaines qui se sont effondrées depuis 2007 bénéficiaient de notation A jusqu'à l'irruption de leur incapacité à tenir leurs engagements. Comme Madoff avec la SEC. L'addiction de la finance mondiale à «l'exposition-risque» la plus profitable est de retour en 2010. Les rendements de capital de 15% sont à nouveau exigés par les fonds d'investissement, sur le champ de ruines sociales de 2010. Le capitalisme est déjà requinqué pour son prochain krach. En attendant, il doit se sauver de la passe actuelle. Ne pas laisser ses Etats devenir insolvables. Dans cette conjoncture volcanique de l'économie mondiale en 2010, où la coulée de lave a pris une autre pente, menaçant le Trésor public plus que la banque privée, l'Algérie souffre du scénario inverse, celui de la panne tectonique. Le Trésor public ne se met pas en danger pour les intérêts privés de la finance, de la Bourse et des grands groupes, comme dans l'OCDE. Il le fait pour l'économie publique. C'est-à-dire pour lui-même. Le gouvernement algérien est bien, en dernière instance, le conseil d'administration transcendant du secteur public économique. Il se vote donc cycliquement un assainissement des impayés des EPE auprès des banques. Et il reproduit ainsi son mandat sur la destruction de ressources nationales. Avec un peu plus d'aplomb lorsque les cours du brut sont hauts. Dans le capitalisme mondial, l'argent du contribuable a servi à relancer l'économie privée et reviendra un jour, sans doute, sous forme de nouvelles recettes fiscales. En Algérie le «sauvetage» récurrent du paquebot public se poursuit sur la plage. Après échouage. D'où la panne tectonique.