C'est que le divorce entre la sphère réelle et financière, les salaires déclinants dans le produit intérieur brut et les rentes spéculatives dominantes expliquent fondamentalement la crise mondiale actuelle depuis la crise des prêts hypothécaires d'août 2007. Les dernières réunions du G20 à Londres et à Pittsburgh en 2009, des pays représentant plus de 80 % de la richesse et plus de 60 % de la population mondiale, comme en témoigne l'actuelle crise grecque, ont été loin des attentes, car devant repenser de nouvelles formes de régulation synchronisant la sphère réelle et financière, la dynamique économique et la dynamique sociale grâce à une gouvernance rénovée à l'échelle mondiale. L'auteur aborde avec lucidité le déséquilibre entre le Nord et le Sud. Car, en ce début du XXIe siècle, des disparités de niveau de vie criantes font de notre planète un monde particulièrement cruel et dangereusement déséquilibré. L'abondance et l'opulence y côtoient d'une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement. Sur plus de six milliards d'habitants que compte la planète, dont 44 % en Asie du Sud, a moins d'un dollar par jour de revenu. Si, dans les pays du Nord, 5 % de la population souffrent de malnutrition, ce taux est de 50 % dans les pays du tiers-monde. Le revenu moyen des 20 pays les plus riches est 37 fois plus élevé que celui des 20 pays les plus pauvres qui appartiennent à l'Afrique subsaharienne, à l'Asie du Sud et à l'Amérique latine. Quand on sait que, dans les vingt-cinq prochaines années, la population mondiale augmentera de deux milliards, dont 1,94 milliard pour les seuls pays en voie de développement, on peut imaginer aisément le désastre qui menace cette partie de l'humanité si rien de décisif n'est entrepris. L'auteur montre que la croissance ou pas de l'économie mondiale joue comme un vecteur essentiel dans l'accroissement ou la diminution des recettes de Sonatrach, qui représente 98 % de nos exportations. Pour preuve, les impacts de la crise récente d'octobre 2008 du passage de la crise bancaire à une crise d'endettement des Etats, donc non encore terminée et dont les ondes de choc se font toujours sentir (la semi-faillite récente d'Abou Dhabi et la crise grecque qui risque de s'étendre à d'autres pays européens plus fragiles et à l'ensemble du monde du fait des interdépendances accrues des économies) et, en cas d'une non-maîtrise de la dépense publique à une hyperinflation mondiale, ne s'étant pas attaqué à l'essence des deux fondamentaux de la crise, à savoir la dominance de la sphère financière sur la sphère réelle et les distorsions entre les profits spéculatifs en hausse et les salaires réels en baisse, en fait au fondement du système économique mondial. L'auteur insiste particulièrement sur le fait que l'Algérie doit être attentive à ces mutations tant dans la sphère réelle que monétaire qui peuvent avoir un effet négatif sur son économie. L'auteur, qui a été vice-président de Sonatrach, et moi-même, ayant suivi pendant plus de trente années ce secteur, avons été confrontés à cette dure réalité d'économie mono-exportatrice dépendante à la fois du cours du dollar, du pétrole, du prix de cession du gaz, donc des facteurs exogènes influant sur le rythme de financement de l'économie algérienne. Aussi, je crois sincèrement que ce livre pourrait contribuer efficacement à une meilleure prise de conscience de l'urgence pour l'Algérie de passer d'une économie de rente à une économie productive indépendante des hydrocarbures en s'appuyant sur quatre piliers : le développement de l'activité managériale au sein des entreprises, le savoir, l'organisation en réseaux et une bonne gouvernance liée à un Etat de droit. J'espère que cet important ouvrage suscitera des débats contradictoires, l'intellectuel devant douter constamment, et cela doit s'appliquer également aux politiques, se remettant toujours en question, selon cette devise d'une profonde sagesse que le plus grand ignorant est celui qui prétend tout savoir. L'histoire du cycle des civilisations, prospérité ou déclin, est intiment liée à la considération du savoir au sens large du terme et qu'une société sans intellectuels est comme un corps sans âme. Le déclin de l'Espagne après l'épuisement de l'or venant d'Amérique et certainement le déclin des sociétés actuelles reposent essentiellement sur la rente, vidant d'illusion à partir d'une richesse monétaire fictive ne provenant pas de l'intelligence et du travail. Aussi, attention pour l'Algérie du fait de la dévalorisation du savoir, richesse bien plus importante que toutes les réserves d'hydrocarbures. Méditons également à la fois le syndrome hollandais (beaucoup d'argent, une corruption généralisée et l'absence de création de richesses durables) et l'expérience indonésienne dont le pays est devenu depuis 2007 importateur alors qu'il était un grand producteur mais qui a eu l'intelligence de préparer l'après-hydrocarbures. Aussi s'agit-il pour les générations futures de préparer l'après-hydrocarbures à travers un management rénovée, l'Algérie, selon mon point de vue, ayant tous les atouts matériels mais surtout humains, richesse bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures, pour devenir un pays pivot au sein de l'espace euro- méditerranéen et arabo-africain, son espace social naturel. C'est à quoi contribue l'excellent ouvrage d'Ouabdesselam (1) que je recommande tant aux décideurs, aux managers et aux journalistes qui accomplissent un important travail de vulgarisation et aux étudiants. (Suite et fin) Pr Abderrahmane Mebtoul, expert International et professeur d'université (1) Le management d'entreprise dans les pays du tiers-monde de Chérif Ouabdesselam Editions Dahlab, mai 2010, préface