La famille du théâtre régional de Béjaïa est en deuil. Et pour cause, le comédien Kheïreddine Amroun, 38 ans, est subitement décédé, avant-hier au soir, à l'hôpital de la ville, après un malaise ressenti en fin de journée. Consternation, affliction, abattement... le personnel du théâtre ne trouvait plus les mots, hier, pour dire le choc, d'autant que le défunt, pas plus tard que la veille de sa mort, discutait des spectacles à préparer. Kheïri, comme tout le monde l'appelle à Béjaïa, a rejoint le Théâtre régional de la ville dès 1993, après avoir entamé sa carrière de comédien à Annaba, sa ville natale. Jovial, plein de dynamisme, il s'est vite senti chez lui parmi des collègues et un encadrement avec lesquels il a eu à partager de grands moments de douleurs (l'assassinat de Azzedine Medjoubi notamment), les misères du métier, mais aussi les éclaircies de gloire et l'espoir entretenu par la seule force de la vocation assumée de voir renaître le quatrième art. Diplômé de l'Institut national des arts dramatiques de Bordj El Kiffan, il s'était investi avec le regretté Boubekeur Makhoukh dans la création de la coopérative du Petit théâtre, dont il continua à assurer la survie après la disparition de son complice, malgré moult difficultés. Avec le même Makhoukh, il a monté Zeynouba, un monologue dédié à la femme et à sa condition de recluse, en 1997. Les amoureux des planches, à Béjaïa ou ailleurs, se souviendront longtemps sans doute de ses prestations dans Hafila tassir, pièce qui avait fait exploser le grand Azzedine Medjoubi, et dont il avait brillamment repris le témoin légué par son aîné. Un aîné qui l'a drivé dans la pièce EL Houinta, en 1994, à l'époque où Medjoubi était aux commandes du TRB, avant sa reprise fatidique de la direction du TNA. Enfin, il a été le maréchal Randon dans Fadhma N'Sumer, fresque montée et réalisée par Omar Fetmouche, l'actuel directeur du Théâtre régional de Béjaïa, depuis près d'une année. Kheïri s'est, par ailleurs, investi dans le théâtre pour enfants, avec notamment El Bahlawane et Magic Show, pas seulement, en tout cas, pour meubler les étendues steppiques du déficit en productions, imposé par la « non politique » culturelle nationale. « C'est une énorme perte pour le théâtre. Kheïreddine était l'un des éléments les plus dynamiques du groupe et, hier encore, on discutait de projets, de détails à mettre au points... », nous disait hier, affligé, M. Fetmouche. Tout le personnel du TRB s'apprêtait hier à accompagner la dépouille vers la ville de Annaba, où l'enterrement doit avoir lieu.