Yacine Tounsi est un homme de théâtre. Il a fondé l'association Masrah Ellil. Il écrit et met en scène ses propres textes. Egalement spécialiste du théâtre pour enfants, il est marionnettiste, et s'est récemment lancé dans le théâtre d'objet. - Comment en êtes-vous venu au théâtre?
Le théâtre c'est ma vie. Tout petit déjà, j'inventais des rôles avec mes camarades de jeux. A 15 ans, j'ai commencé en tant que comédien amateur au théâtre régional de Constantine (TRC). En 1992 j'ai créé l'association Masrah Ellil qui a rassemblé beaucoup de comédiens. D'ailleurs plusieurs d'entre eux sont devenus des professionnels.
- Et qu'en est-il de votre passion pour le théâtre pour enfants ?
Vous savez, le théâtre pour enfants est une spécialité qui passe par tous les genres. Chez nous, je trouve qu'on n'accorde pas à l'enfant tout l'intérêt qu'on devrait. Sous d'autres cieux, on investit beaucoup dans l'enfant, on lui permet de s'exprimer, de s'épanouir. Nos enfants apprécient le jeu théâtral. En 2009, nous avons monté un spectacle de marionnettes, «Sisbène», pour lequel on a eu le Grand prix de la marionnette à Aïn Temouchent. Je fais également quelque chose de nouveau en Algérie, toujours pour les enfants, c'est le théâtre d'objet.
- En quoi, justement, consiste cette technique ?
En fait, je l'ai découverte en 2003, au festival de Tunis pour enfants. On met en scène un objet, qui peut être une cuillère, et on le fait parler, marcher, etc. C'est chez une troupe française, «Car-à-pattes», qu'on a vu ça, et c'est absolument extraordinaire. Nous avons effectué un stage d'apprentissage de cette technique de deux ans dans le cadre d'un projet commun entre Constantine et Amiens. Des professeurs de Belgique nous ont également aidés. Pour la petite histoire, chez eux là-bas, ils n'ont pas d'objets de récupération. Chez nous, on trouve plein d'objets hétéroclites, de la vieille vaisselle, des trucs qui ne servent à rien, et avec lesquels on crée nos propres jouets, ou des personnages... Et ça nous a permis d'avoir le prix de la meilleure recherche.
- Quelle est, selon vous, la situation du TRC à l'heure actuelle ?
Son déclin s'est amorcé en 2008 à cause de la mauvaise gestion, aussi bien artistique que technique. Aujourd'hui, le talent, le sérieux et la bonne volonté dérangent les administrateurs du TRC. Il reste quelques artistes de grand mérite, comme Antar Hellal, Allaoua Zermane…ce sont eux qui cachent les tares. Notre association est carrément écartée. Moi-même je suis persona non gratta. Ils ont même été jusqu'à donner des instructions pour m'interdire l'accès au théâtre, me citant nommément. Pourtant, nous pourrions rendre ses lettres de noblesse au TRC. Tenez, par exemple un artiste comme Salah-Eddine Torki est marginalisé. Si on met à la porte des gens comme lui, le théâtre est perdu.