L'engagement des indépendants dans la course, présenté jusqu'ici comme un phénomène d'importance dans la conjoncture, aura, en fin de compte, à peine nuancé un débat qui a remis sur la scène des soucis autrement plus lourds que la gestion des services techniques d'une APC, ou la problématique du ramassage d'ordures dans les quartiers. Les discours du FLN, du RND et du HMS (lors de leurs rares apparitions) semblaient être basés sur le constat que la Kabylie était prédisposée plus que jamais, après de longues années de crises aiguës, à se détacher d'acteurs politiques pris, via un grossier effet de raccourci, pour responsables de ses déboires et de ses ratés. Le thème, au demeurant, a été inauguré par le président de la République himself, lors de sa halte à Tizi Ouzou dans le cadre de la campagne pour le référendum, en lançant que la région devait désormais se consacrer au développement et arrêter avec les « slogans hurlés dans la rue ». Le parti majoritaire au pouvoir a eu à dépêcher de nombreux ministres dans la wilaya de Béjaïa pour dire, à peu près, la même chose et appuyer un discours qui se reçoit, par de larges pans de l'opinion, comme un véritable chantage économique. Le président de l'APN M. Saïdani, qui a eu à clôturer la campagne du FLN dans la wilaya de Béjaïa, lundi dernier, a affirmé que son parti était le pouvoir et que l'élection de ses candidats locaux à la tête des assemblées était le chemin le plus indiqué et le plus court vers plus de crédits, plus de projets au profit des citoyens. Le discours, qui traîne un air prononcé de culpabilisation, a été également celui du RND, à quelques variantes près. Le parti d'Aït Ahmed, qui a eu à gérer la majorité des assemblées locales durant le mandat écourté, se sent, bien entendu, comme le premier visé par le réquisitoire. Durant ses nombreuses manifestations de campagne, le FFS a cependant revendiqué fièrement son bilan. « Nous sommes fiers de nos élus et de leur travail », avait dès le départ assumé Ali Laskri qui, pour illustrer « la résistance » des élus du parti à « la déprédation », a cité, entre autres, le refus de ses éléments, au niveau des APW de Béjaïa et Tizi Ouzou, de délibérer pour permettre la mise en place de l'agence foncière de wilaya, laquelle centralise la gestion du foncier, jusque-là attribut d'organes de gestion locaux. Là où le parti revendique donc un haut fait politique, les « coalisés » stigmatisent une volonté politicienne de blocage et le cas illustre bien deux conceptions diamétralement opposées de la gestion et de la définition de la vocation de l'élu. L'enjeu est encore plus redoutable, tel qu'il est défini par le RCD. Saïd Sadi, qui s'est dépensé comme jamais durant cette campagne (périples ininterrompus pendant plus d'une semaine dans la région), ne prévient rien de moins que c'est l'avenir de la démocratie en Algérie qui se joue par le truchement des urnes du 24 novembre. Une victoire des partis de l'alliance présidentielle équivaudrait à verrouiller, à tout jamais, la porte de la représentation politique démocratique, et un plan d'envergure aurait été concocté par le DRS pour ce faire, n'a cessé de clamer le leader du RCD. A l'ombre de ce débat, la campagne des indépendants a tout misé sur le plaidoyer technique, dont la modestie a souvent fait penser au programme d'actions d'associations de quartier. Leurs sorties de proximité ne semblent pas avoir convaincu le citoyen - à tout le moins dans les grands centres urbains où les considérations claniques et tribales ont moins d'influence - de l'intérêt de voter pour des regroupements se suffisant souvent à afficher leur « neutralité » politique comme atout majeur.