Les images récentes montrant des milliers de jeunes issus de l'immigration maghrébine s'en prendre aux symboles de l'Etat français et des dizaines d'Africains, candidats à l'immigration clandestine, se jeter, à mains nues, contre les barrières de fil barbelé et les armes de soldats espagnols, à Ceuta et Melilla, ont frappé la conscience des décideurs de l'Union européenne. L'un d'eux, le vice-président de la Commission européenne, l'italien Franco Frattini, nous a affirmé vouloir faire du thème de l'immigration et de l'intégration l'une des priorités de l'Europe unie. Rencontré lors de la présentation officielle de l'Observatoire de la Méditerranée dont il est président, depuis sa fondation, en novembre 2004, alors qu'il était encore ministre des Affaires étrangères du gouvernement Silvio Berlusconi, le commissaire européen chargé de l'immigration, de la sécurité et de la justice a laissé le discours diplomatique de côté, pour parler avec son cœur. Rappelant sa déception devant le peu d'engouement de ses collègues, lorsqu'il y a un an il avait proposé d'instituer un fonds pour l'intégration des immigrés dans les pays européens, Franco Frattini nous assure refuser que la répression soit la seule recette de l'Union européenne pour contrer le phénomène de l'immigration illégale. « Nous devons combattre les réseaux de la criminalité organisée qui se sert de la misère de ces immigrés, victimes de ce trafic, pour s'enrichir. Car, même s'ils parviennent en Europe, le statut précaire de ces personnes en fait d'elles des proies faciles du travail au noir et de l'exploitation sauvage, qui arrangent beaucoup de patrons. » En fait, le commissaire européen chargé de l'immigration compte persuader les dirigeants de la Commission européenne, au regard des derniers événements, surtout après les émeutes dans les banlieues françaises, de l'urgence d'instaurer un Forum européen permanent pour l'intégration. La mission de cet organisme consistera à mettre au point une stratégie européenne commune, qui permettra aux pays qui accueillent un grand nombre d'immigrés de réaliser des projets sociaux et économiques destinés à accélérer l'intégration des communautés minoritaires dans la société d'accueil. Et c'est visiblement satisfait qu'il annonce avoir déjà reçu l'invitation de la ville de Rotterdam, qui se propose d'accueillir la première session de ce Forum permanent pour l'intégration. Le vice-président de la Commission européenne lance le défi aux responsables des collectivités locales italiennes d'en faire de même et de prendre exemple sur leurs voisins hollandais. M. Frattini compte beaucoup sur l'échéance de l'an 2005, déclarée Année de la Méditerranée par l'Union européenne, car elle marque le passage d'une décennie depuis la déclaration du processus de Barcelone, pour obtenir le consensus politique qui lui permettra d'instaurer ce forum. Dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, le commissaire européen reste persuadé du rôle que les pays de la rive sud de la Méditerranée peuvent jouer. « L'Algérie est un partenaire important pour l'Union européenne », nous confie M. Frattini et d'ajouter que les Algériens ont payé un lourd tribut dans leur résistance au terrorisme intégriste. Concernant l'immigration clandestine, le commissaire nous avoue « comprendre la position de pays maghrébins comme l'Algérie ou le Maroc qui disent ne pas vouloir devenir les gendarmes de la Méditerranée pour bloquer les flux de désespérés qui tentent d'arriver en Europe ».