Les divers partenaires se rejettent la responsabilité en ouvrant de nouveaux pogromes pour les sans-papiers. Les craintes que suscitent aujourd'hui les flux migratoires africains vers l'Europe (France, Espagne et Italie) via le Maroc et l'Algérie ont atteint leur pavoxysme avec les images «de 1941-1945» mais qui sont bel et bien celles d'octobre 2005, de milliers de réfugiés africains parqués dans des camps, ou qui se jettent sur les fils barbelés électrifiés, ou qui offrent leur poitrine aux tireurs, policiers ou militaires, marocains ou espagnols, chargés de les réprimer. Les drames de Ceuta et de Melilla, celui des embarcations prenant l'eau de toutes parts et faisant périr hommes, femmes et enfants candidats à l'immigration vers l'Espagne via la méditerranée ont finalement donné l'alerte à l'Europe. Mais celle-ci est encore trop soucieuse de son bien-être. Les solutions premières sont encore de réprimer les clandestins, de les parquer en attendant leur extradition. La sécurité de l'Europe passe par l'endiguement du fléau et la matraque pour mater les «Sudistes». Lorsque l'Europe va plus loin chercher des solutions à ce flux «qui risque de perturber les pays européens», elle fait de la politique. Sarkosy discute avec Kadhafi, Madrid se plaint de Rabat et Rabat accuse l'Algérie de ne pas trop contrôler ses frontières sud et sud-ouest. En termes clairs, l'Europe cherche des solutions politiques à son problème de sécurité intérieure, alors qu'à la source, dans le Sahel et en Afrique, les problèmes des expatriés sont d'ordre social et économique. Zone de luttes d'influence américano-française, la bande du Sahel n'a bénéficié d'aucune aide et les régimes locaux sont tolérés par les puissances pour peu qu'ils garantissent les intérêts occidentaux. Washington porte son intérêt sur les groupes rebelles locaux, qu'elle soupçonne de collusion avec Al Qaîda. De fait, sa présence dans le Sahel, son aide technique et le vaste programme «Flintock 2005» sont exclusivement militaires et rien d'autre. Poussant un peu plus au nord, les Etats-Unis s'intéressent aux gisements pétroliers, et à rien d'autre. C'est-à-dire aucune aide, aucun investissement n'ont été consentis de manière sérieuse, et que de ce fait, il n' y a pas à espérer un grand changement dans les politiques en cours de manière radicale. Dans tout ce magma politico-militaro-financier, l'Algérie se place aujourd'hui comme le pays qui fait de son mieux pour trouver les meilleures solutions. Tout d'abord, l'Algérie est le pays qui contrôle le mieux ses frontières aux plans maghrébin et sahelien, malgré une frontière longue de près de 12.000 km avec la Mauritanie, le Mali et le Niger. 8000 clandestins sont reconduits chez eux chaque année, et 16.000 sont maintenus aux postes frontaliers. Ceux qui arrivent à passer et n'ont aucune volonté de migrer plus au nord, vers l'Europe, s'intègrent fort bien à la société algérienne. On ne parle plus de Tam, Béchar, Ouargla, Djelfa et Adrar, où la communauté sahélienne fait désormais partie du décor, mais d'Alger, la capitale, où ils s'en tirent plutôt bien grâce à la débrouille, la bricole, les petits métiers de survie. On peut les trouver à Kouba, Hussein Dey, El Harrach, etc vendant à même le sol lunettes fripes, herbes médicinales, bibelots sahéliens, etc. Certains d'entre eux, les plus intelligents, les mieux entreprenants, ont réussi le tour de force de s'imposer dans une société nouvelle, et on peut les croiser à Chéraga, Ouled Fayet et Draria, au sortir de leur villa, ou au volant de leur voiture. Véritable «bouclier de l'Europe» en matière d'immigration clandestine, l'Algérie déploie des moyens humains et financiers, qui lui pèsent. L'Europe doit prendre en ligne de compte tout cela et évaluer le coût de son confort. Jusqu'à présent, elle a été très, très parcimonieuse. Désormais, les pays euro-méditéranéens commencent à parler du «coût de la sécurité». Le partage doit être égal et les contributions européennes à la mesure de ces vagues migratoires qui agitent l'Afrique et l'Europe à la fois.