La notation risque de crédit sert à estimer «la probabilité que des dettes sont impayées» ainsi ce risque influe sur la capacité d'un pays ou de ses entreprises à emprunter sur les marchés internationaux et aussi sur le coût du crédit, indique Liès Kerrar, expert financier et président d'Humilis Corporate Finance, dans cette interview à El Watan économie, qui précise qu'«une meilleure notation permet d'emprunter moins cher». -C'est quoi une notation du «risque pays» et de «l'environnement des affaires» ? La notation du risque de crédit n'est pas un exercice philosophique. C'est un exercice qui a un objectif précis : évaluer le risque de défaut. L'exercice sert simplement à estimer la probabilité que des dettes sont impayées. Dans le commerce international, on a pris l'habitude de décomposer le risque qu'une créance d'un client soit impayée en deux partie : le risque pays, c'est-à-dire la partie du risque influencée par les perspectives macroéconomiques et politiques du pays et le risque spécifique à l'entreprise. Dans le cas de la notation du risque pays de la Coface, la méthodologie affichée considère de façon classique les perspectives économiques, financières et politiques. Elle intègre aussi une appréciation de l'environnement des affaires. Il faut cependant préciser que l'appréciation de l'environnement d'affaire utilisée considère des aspects précis. Il s'agit d'apprécier «si les comptes des entreprises reflètent bien la réalité de leur situation financière et si, en cas d'impayé, le système juridique local permettra un règlement équitable et efficace». Même s'il y a certains liens, Il ne faut donc pas confondre cette appréciation avec les outils d'appréciation de la compétitivité. L'analyse de l'environnement des affaires (l'aspect microéconomique) ici reste cantonnée à la question de savoir si nous sommes de «bons payeurs». -Que signifie la notation de la Coface «A4» pour le risque pays et «B» pour l'environnement des affaires de l'Algérie ? La notation A4 du risque pays correspond à l'appréciation suivante : «Les perspectives politiques et économiques peuvent être marquées par quelques fragilités. Une relative volatilité de l'environnement des affaires est susceptible d'affecter les comportements de paiement, la probabilité moyenne que cela conduise à un défaut de paiement restant acceptable». La notation B pour l'environnement des affaires, qui est d'ailleurs intégrée à la notation pays, correspond à l'appréciation suivante : «L'environnement des affaires est moyen. La fiabilité et la disponibilité des bilans d'entreprise sont très variables. Le recouvrement de créances est parfois difficile. Les institutions présentent certaines fragilités. Les entreprises évoluent dans un cadre instable ou peu performant. C'est un facteur de risques à prendre en compte pour les transactions interentreprises ». -Un pays peut-il solliciter une notation ? Les notations de l'agence française Coface, et celles des autres agences d'assurance de crédit à l'exportation similaires, servent à apprécier le risque de crédit que prennent les exportateurs de ces pays lorsqu'ils exportent. Cela leur permet d'envisager les moyens de paiement adéquats et d'intégrer ce risque de crédit dans le prix des produits et services exportés. Il s'agit d'une notation que le pays noté n'a pas besoin de demander.Un pays peut aussi solliciter une notation, notamment lorsqu'il envisage d'émettre des obligations sur le marché international, ou lorsqu'il veut permettre l'accès des entreprises du pays au marché obligataire international. Les trois agences de notation les plus reconnues sur le marché pour ce type notation sont Standard & Poors, Moodys et Fitch. L'Algérie n'a pas à ce jour sollicité ce type de notation. -Quel est l'impact de ces notations sur le pays en question ? De façon générale, la notation influe directement sur la capacité d'un pays ou des entreprises de ce pays à emprunter sur les marchés internationaux ainsi que sur le coût du crédit. Une meilleure notation permet d'emprunter moins cher. Au niveau commercial, la notation a une influence sur le coût de nos importations. D'une manière ou d'une autre, le risque pays est intégré dans le coût de nos importations. Enfin, même si les notations sont élaborées pour des objectifs précis (risque de défaut à court terme, etc.), cela reste un indicateur utilisé sur le marché international pour plusieurs autres finalités. C'est un facteur qui est utilisé souvent dans la détermination du rendement sur le capital que des investisseurs vont exiger d'un IDE. Plus le risque pays est élevé, plus le rendement demandé va être élevé. Cela influe aussi sur la valeur des entreprises du pays pour un investisseur étranger. Plus le risque pays est élevé, moins forte est la valeur de l'entreprise pour un investisseur étranger. -Pensez-vous que la notation est objective ? Il ne faut pas oublier l'objectif précis de la notation du risque de crédit d'un pays ou d'une entreprise. Il s'agit d'évaluer la probabilité que des dettes soient impayées. Le processus d'évaluation de cette probabilité est généralement basé sur l'information disponible au moment où l'analyse est faite et sur la connaissance historique des facteurs influant sur la qualité du crédit. Evidemment, comme il s'agit d'apprécier le futur, certains aspects peuvent être plus difficiles à apprécier. Le travail d'analyse reste ce qu'il est : émettre une opinion la plus objective possible compte tenu des informations disponibles et de l'expérience passée. -Que peut-on dire sur la fiabilité de ces notations ? La notation de la Coface est simplement le résultat de la perception du risque pays d'un partenaire commercial de notre pays. Ce n'est pas à nous de décider si cette notation est fiable ou non. C'est les utilisateurs de la notation qui en jugent en fonction de la crédibilité de l'organisme qui émet son opinion. Ensuite, si on considère, pour une raison ou une autre, que cette notation ne correspond pas à notre opinion du risque, il faut identifier les facteurs qui sont à l'origine de la perception de nos partenaires commerciaux et travailler sur ces facteurs. De façon générale, cette appréciation du risque pays est cohérente avec les autres appréciations publiées sur le marché international. A titre de comparaison, nous avons les mêmes notations Coface que l'Arabie Saoudite. Les grandes lignes sont toujours les mêmes. Nous avons une bonne situation financière compte tenu de notre faible dette extérieure et du niveau de réserves de change relativement confortable (un peu moins de trois ans d'importations), mais une forte dépendance des revenus tirés par l'exploitation des hydrocarbures. -Existe-t-il différentes méthodologies pour noter un pays sur tous les aspects ? Les grands principes sont constants, notamment en termes d'analyse des perspectives économiques, financières et politiques. Ensuite, la méthodologie de la notation est adaptée à la question précise à laquelle la notation doit répondre. Ainsi, la notation risque pays de la Coface a pour objectif de considérer le risque de crédit sur un horizon de court terme, ce qui correspond à l'échéance moyenne des créances commerciales.