Agressées, violentées ou maltraitées. Elles n'en parlent jamais, sinon rarement. Elles se taisent et cachent leur souffrance, souvent par peur - de représailles -, mais surtout par honte. Nombreuses, elles le sont ces femmes et filles victimes de la violence sous toutes ses formes sans qu'elles se déclarent. Parfois, leur âge atteint à peine les 18 ans. Souvent moins. Mineures qui vivent loin de la chaleur familiale, chassées par des parents ayant la hantise de leur « chair ». Doublement victimes, ces femmes ou jeunes filles se trouvent livrées à elles-mêmes en proie à la débauche. Sans assistance. On entend peu parler d'elles, mais les statistiques des services de sécurité - qui ne sont pas tout à fait complètes - indiquent clairement qu'il s'agit d'un fléau qui prend des allures inquiétantes durant ces quatre dernières années. Hier, le commandement de la Gendarmerie nationale a livré, à Alger, les derniers chiffres dont il dispose. Depuis 2001, plus de 19 000 femmes ont subi des actes de violence et d'agression. De coups et blessures volontaires ou viol pur et simple, passant par le vol et l'agression à l'arme blanche, la femme est devenue une cible privilégiée de certains. Durant la même période, près de 200 femmes et filles ont été kidnappées, séquestrées et violées. La plupart sont des mineures. Certes, les chiffres de la Gendarmerie nationale indiquent une relative baisse de ces actes de violence à l'égard de la femme. Mais ils ne représentent, à vrai dire, qu'une partie de l'amère réalité. Boukaoula Zohra, psychologue travaillant pour le compte de la gendarmerie, estime que les chiffres ne représentent que la face apparente du fléau. « Les victimes ne parlent pas. Elles ont peur de leur environnement plein de tabous », observe-t-elle. Pour elle, il devait y avoir plus de femmes victimes de la violence. Pourquoi ? Les facteurs provocateurs ou stimulateurs de cette violence sont là. Ces facteurs (les causes) sont, entre autres, la tolérance sociale à l'égard de cette violence, la mauvaise interprétation de l'Islam, le silence et les pressions à différents niveaux. Pour y faire face, la Gendarmerie nationale a entrepris plusieurs actions - plutôt d'ordre social - pour la réintégration de mineurs dans leurs familles. Entamées depuis la création, le 15 mars 2005, de la cellule de protection juvénile, certaines de ces opérations ont donné de bons résultats, d'autres ont échoué. « Nous nous sommes confrontés à des pères de familles qui refusent que leurs enfants (filles) reviennent à la maison. C'est difficile... », soutient Mme Boukaoula.