Après un très long silence, le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé hier que la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis 1992, interviendra «dans un très proche avenir», mais il rappelle que les marches sont toujours interdites à Alger. Un mur de la peur psychologique vient de tomber, mais «il ne s'agit que d'une première victoire», comme le souligne le député Ali Brahmi. «Pour mettre un terme à toute polémique infondée sur cette question, je charge le gouvernement à s'atteler, sans délais, à l'élaboration de textes appropriés qui permettront à l'Etat de poursuivre la lutte antiterroriste jusqu'à son aboutissement, avec la même efficacité et toujours dans le cadre de la loi», a déclaré, selon l'APS, le chef de l'Etat lors d'un Conseil des ministres. Notons que le Président défend la légalité de l'état d'urgence jusqu'au bout en évoquant la «polémique infondée», alors qu'il s'agit d'une procédure jugée illégale et même anticonstitutionnelle. Selon le Président, l'état d'urgence a été instauré «pour les seuls besoins de la lutte antiterroriste, et c'est cette raison uniquement qui en a dicté le maintien sur une base légale», l'état d'urgence «n'a, à aucun moment, entravé une activité politique pluraliste des plus riches, ni contrarié le déroulement de campagnes électorales intenses, de l'avis même des observateurs qui les ont suivies». Le Président a précisé, alors que les ONG ont annoncé leur intention d'organiser une marche le 12 février, que s'agissant de l'organisation des marches, et «hormis la wilaya d'Alger, rien ne l'entrave dans toutes les autres wilayas, pour autant que les demandes et les conditions exigées par la loi soient réunies». «Certes, la capitale fait exception dans ce domaine pour des raisons d'ordre public bien connues, et certainement pas pour y empêcher une quelconque expression», a déclaré le chef de l'Etat sans préciser ces fameuses «raisons d'ordre public». Magnanime, le Président Bouteflika a invité la société civile à s'exprimer… dans les espaces clos : «Au demeurant, Alger compte plusieurs salles publiques de capacités diverses, qui sont gracieusement disponibles pour tout parti ou association en faisant légalement la demande, en vue d'y faire entendre son point de vue», a rappelé le président de la République. Plusieurs rencontres – autour des droits des femmes, de la Charte pour la paix et la réconciliation ou autres – ont été interdites par la wilaya d'Alger. Sans justificatif. Notons enfin l'incroyable désaveu au vice-Premier ministre, Yazid Zerhouni, qui, interpellé mercredi au sujet de l'éventuelle levée de l'état d'urgence, a rétorqué que «ce n'est pas actuellement à l'étude» !